L’exposition « Comme par hasard » [1] est visible à la Maison Poincaré à Paris, du 12 septembre 2024 au 22 mars 2025. Dans cet article, nous en donnons les messages clés.
Qu’est ce que le hasard ?
Le hasard peut sembler injuste et cruel quand il s’abat sur nous (maladie, accident...) et l’humanité a toujours essayé de s’en prémunir. Quand elle ne pouvait pas, elle a introduit la notion de « Dieu » pour expliquer l’imprévisible (par exemple pour les Grecs, Zeus lançait des éclairs dont l’humanité ne pouvait prédire les frappes).
(Absence de) Définition : Il n’existe pas de définition directe du hasard, juste des définitions en creux, du genre « ce qui ne peut se prévoir, ce qui n’a pas de cause ». Émile Borel dit de lui « Le hasard est comme le soleil, il aveugle à mesure qu’on le fixe ».
Ce que nous appelons « hasard » peut être de deux formes. L’une (la plus commune) a à voir avec notre ignorance.
Laplace a dit : « le hasard est le reflet de notre ignorance » tout en mettant en garde contre un déterminisme pur. Par exemple, quand je lance un dé, tout est déterministe et, en sachant précisément comment j’ai lancé le dé, je pourrais dire sur quelle face il va tomber (pas de hasard ici proprement dit).
Poincaré s’est intéressé à ce « désordre » naissant de « l’ordre » : le chaos.
L’autre forme considère un hasard plus « essentiel », c’est le cas en physique quantique où il est impossible de prédire avec certitude le comportement de certaines particules : le hasard semble alors faire partie intégrante de la matière…
Comprendre le hasard pour mieux l’éradiquer
Par la suite, la science a eu et a encore pour but principal de modéliser et prédire les phénomènes nous entourant, en d’autres termes, d’éradiquer le si encombrant hasard.
Au début de l’exposition, des manipulations et des applications sont regroupées pour illustrer le fait que le hasard est souvent contre-intuitif (loi des séries, paradoxe des anniversaires, loi de Benford, jeu de Penney, difficulté de générer le hasard…) et quelquefois dangereux (mise en garde du jeu pathologique -FdJ-).
Les progrès scientifiques initiés par Fermat et Pascal ont permis de comprendre mieux ce hasard si contre-intuitif pour permettre à l’humanité de se prémunir contre l’inattendu. Pour cela, il a fallu « dompter » le hasard et trouver de l’ordre au sein même de ce qui en semblait dépourvu (trouver cette fois de « l’ordre » à partir du « désordre ») : si je ne sais pas si une pièce équilibrée tombera sur pile ou sur face, je connais grâce à ces théorèmes le comportement de nombreuses pièces équilibrées !
Les résultats (théorème central limite, loi des grands nombres, etc.) sur lesquels sont basées les statistiques permettent aujourd’hui de détecter la présence de hasard dans de nombreux domaines.
Cela permet notamment de tester des hypothèses, comme savoir si un traitement (médical, agricole, industriel, etc.) est efficace (ou pas) et même de démontrer l’existence de particules (comme le Boson de Higgs) !
Faire du hasard un allié
Mais le hasard peut également se transformer en un outil très efficace à l’occasion (il fut utilisé à plusieurs reprises dans l’Histoire pour choisir les dirigeants, les conscrits, à qui reviendrait une ville en cas de conflit, dans l’art, les jeux, etc.). Depuis peu, les scientifiques font même du hasard un allié !
Les artistes (Mozart, les surréalistes, etc.) utilisent le hasard depuis longtemps, les scientifiques aussi (Maxwell et la physique statistique, Darwin et l’évolution, les physiciens quantiques, les informaticiens avec la méthode de Monte-Carlo et l’IA, etc.) !
Conclusion générale
En science, le hasard est un concept multidimensionnel. Parfois, il est intrinsèque, comme dans la mécanique quantique, tandis que dans d’autres cas, il est une approximation de phénomènes trop complexes pour être modélisés avec précision. La science, en tant que méthode, intègre le hasard via des outils comme la statistique pour comprendre des phénomènes incertains, tout en reconnaissant que certains événements restent fondamentalement imprévisibles.
Dans nos vies courantes, le hasard peut être vu comme négatif (et nous nous sommes battus longtemps contre lui), cependant, c’est un constituant essentiel de la vie (à l’inverse, qu’est ce que la mort sinon une absence de hasard poussée à l’extrême ?). Aujourd’hui, il est possible de passer sa vie, confortablement, à l’écart de tout ce qui pourrait ressembler à du hasard. Mais vaut-il mieux une vie bien réglée (comme le « No Surprises » de Radiohead) ayant perdu la saveur de l’aventure et de l’inattendu ?
Enlevons nos écouteurs, levons nos yeux de nos écrans et laissons les rencontres et le hasard donner de nouvelles couleurs à nos vies ! Et comme le dit un proverbe berbère : « le hasard vaut mieux que 1000 rendez-vous ».
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS