Classe, vous avez dit classe ?

L’élève de demain n’aura-t-il plus jamais connaissance de l’esprit de camaraderie ? Sans vouloir encore être défaitiste, ni excessivement pessimiste, comment ne pas s’alarmer au sujet des dernières annonces du ministre pour « élever le niveau de notre école », vivant au quotidien l’impact délétère de la réforme du lycée sur l’explosion des groupes-classes ?

Entrant en sixième, l’élève ne sera plus rattaché au même groupe. Il se retrouvera neuf heures par semaine, soit à peu près le tiers du temps de présence en classe, dans des groupes (de niveaux) qui ne seront pas les mêmes sur le reste de son temps scolaire. Si seulement ce manque de prise en considération des difficultés d’adaptation des élèves à l’entrée du collège était notre seule source d’inquiétude. Malheureusement...

Récemment ou moins, des chercheurs l’ont démontré [1] [2] [3] et le répètent actuellement, sur un temps long, la pratique des groupes de niveaux n’est pas bénéfique pour les élèves, et en particulier pour ceux les plus en difficulté. Ces derniers ne progressent plus, cela dessert leur estime de soi. À l’échelle d’un pays et de plus de trois millions de collégiens, quelle incidence sur le long terme aura ce séparatisme de l’école envers ces jeunes ? On préconise plutôt pour remédier aux difficultés des élèves des dispositifs d’aide de type « groupes de besoin » qui seraient transitoires et modulables.

Pourtant, cette décision éminemment politique, bien qu’aujourd’hui non chiffrée en termes de moyens pour l’Éducation nationale, a bien été prise en dépit des travaux de recherche sur le sujet. Ces changements futurs du « collège unique » posent également la question de la pérennité des projets de classe, a fortiori ceux interdisciplinaires, et de la mutualisant au sein de l’équipe éducative, de la coordination et du suivi des élèves d’une même « classe ». Les contraintes techniques et pratiques que rencontreront les établissements sont réelles et il suffit de se tourner vers le lycée général pour avoir un aperçu de celles-ci. On nous avait bien promis un choc !

L’APMEP avait répondu présente lors de cette consultation, antérieure aux annonces, de la mission « exigence des savoirs ». Son principal mot d’ordre était d’éviter les changements structurels trop fréquents qui déstabilisent les enseignements jusqu’à la fin du cycle 4, tout en demandant une réduction du nombre d’élèves par classe, sans quoi, toutes les solutions pédagogiques que nous mettons en place ne peuvent porter leurs fruits. L’association a également émis le souhait d’avoir des documents officiels plus lisibles et moins nombreux pour ce niveau d’enseignement dont les classes sont parmi les plus chargées d’Europe.

Pour aller plus loin dans l’analyse des difficultés que rencontrent l’enseignement des mathématiques, signalons le dossier « L’enseignement des mathématiques » du n°93 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres qui est paru en octobre 2023 avec, notamment, un article de Pierre Arnoux, Michèle Artigue et Nadine Grapin, ainsi qu’une introduction de Jean-François Chesné et Johan Yebbou. Vous pouvez aussi lire le billet de Francis Loret qui nous invite à relever le défi de l’enseignement des mathématiques en nous proposant des pistes d’actions concrètes.

Quant à la formation professionnelle, nous appelons de nos vœux qu’elle soit approfondie, conséquente, ambitieuse et fasse pleinement partie de nos emplois du temps ; c’est aussi la conclusion de la réaction de la COPIRELEM aux annonces ministérielles que nous vous encourageons à lire ; ce texte aborde plusieurs aspects — la pédagogie explicite, la « méthode de Singapour », la labellisation des manuels et l’intelligence artificielle — qui sont bien insuffisants pour « élever le niveau des élèves », d’autant plus que ne sont pas prises en compte la formation professionnelle et nos conditions de travail.

À Rennes, lors des dernières Journées Nationales APMEP 2023, plus de neuf cents congressistes ont pu bénéficier des communications scientifiques disciplinaires ou didactiques ainsi que des nombreux retours d’expériences de collègues sur leurs pratiques pour éclairer les problématiques actuelles de nos métiers. Nous avons bien conscience, non seulement de la richesse, mais surtout de la nécessité de ces échanges entre pairs, de ces temps de questionnement pour faire évoluer nos gestes professionnels. Alors que le besoin sera croissant, la formation continue est cependant menacée de disparaître dans sa forme actuelle...

Symbole d’ouverture sur l’actualité mathématique et veillant à la diffusion de sa culture, le Comité de la Régionale a organisé sa Journée de la Régionale 2023 à l’Institut Henri Poincaré dans le but de faire (re)découvrir aux collègues franciliens la Maison Poincaré. Vous en trouverez un compte-rendu dans ce numéro des Chantiers.

Et pour la prochaine rencontre de la Régionale qui se déroulera début 2024, nous planifions de vous proposer des ateliers pour présenter des applications mathématiques et leurs usages en classe : Moodle, MathAléa, AMC, Capytale, TacticMaths, etc. Nous ne manquerons pas de vous communiquer la date retenue prochainement. Si vous êtes intéressé⋅e et souhaitez exposer aux collègues un autre outil que vous pratiquez en classe, n’hésitez pas à nous contacter.

Enfin, comme l’actualité ne se limite pas seulement à notre association, que notre communauté est large et très dynamique, nous veillons à mettre à jour la rubrique « actualités » de notre site en y recensant les événements locaux lorsque nous en avons connaissance [4]. L’un de ces événements, maintenant classique de cette fin d’année, est la journée Tangente, particulièrement émouvante cette année puisque nous avons appris mi novembre, avec une grande tristesse, le décès de Gilles Cohen, adhérent de longue date de notre Régionale et fondateur de la revue Tangente. Gilles était l’un des créateurs, entre autres, du Salon Culture et Jeux mathématiques, de la FFJM et du CIJM, il va beaucoup manquer à la diffusion de la culture mathématique.