Suite à la recension de l’ouvrage Un grain de riz sur un échiquier — les mathématiques c’est politique, nous avons demandé à son auteure Martine Quinio Benamo de nous proposer quelques idées d’exercices pour éclairer des notions de mathématiques qui interviennent dans l’actualité.
Dans les numéros précédents des Chantiers Martine Quinio Benamo nous avait proposé quelques idées d’exercices pour éclairer la notion de croissance exponentielle (numéro 204) et la notion de pourcentage et plus généralement de fraction (numéro 205), toujours en lien avec des sujets d’actualité.
Dans ce numéro des Chantiers, c’est au tour de la notion de moyenne : son utilisation dans les médias et les discours des responsables (politiques on non) est-elle pertinente ?
Les références indiquées, sauf mention contraire, concernent les pages de l’ouvrage de Martine Quinio Benamo : « Un grain de riz sur l’échiquier — les mathématiques c’est politique » aux éditions de l’Atelier (2023). Cet ouvrage est cité par « GR » ou « Grains Riz ».
« Un statisticien est une personne qui peut avoir la tête dans un four et les pieds pris dans la glace et dire qu’en moyenne il se sent bien. » (cité p.58 dans GR, Benjamin Dereca)
En convoquant à chaque occasion la moyenne, on en perd le sens : « J’estime que je conduis mieux que la moyenne », « Je me considère plus optimiste que la moyenne »…
Une tribune de Christian Walter [1] reprend les concepts de « médiocristan » et d’« absurdistan » à propos de la toute puissante moyenne, souvent mise en avant pour justifier une décision politique :
« Les financiers aiment bien croire qu’ils peuvent maîtriser le monde économique par des moyennes. Hélas, comme le rappelait déjà La Fontaine dans la fable le Savetier et le Financier, à un financier qui lui explique savamment le principe de la moyenne pour qu’il puisse gérer prudemment ses affaires, le savetier désolé répond : « Ce n’est point ma manière de compter de la sorte. » Le vrai monde ignore la moyenne. Si les financiers avaient davantage écouté les savetiers, la crise de 2008, conséquence d’une gestion désastreuse des risques fondée sur l’usage imprudent des moyennes, n’aurait pas eu lieu. »
extrait de la tribune de Christian Walter
La moyenne, c’est une proportion ; elle ne reflète pas la réalité comme nous le rappelle Christian Walter dans sa tribune, il faut lui associer la notion d’écart type qui est lui aussi une moyenne, donc une proportion, faisant intervenir, de plus, la racine carrée.
Nous vous proposons quelques exercices en lien avec les actualités récentes sur le thème de la moyenne, exercices que vous pourrez adapter pour vos élèves. Notez bien que la moyenne intervient dans de nombreux indicateurs : nous passons en revue quelques-uns d’entre-eux, qu’ils soient liés par exemple à l’environnement, à la santé ou à l’économie. Ce sera l’occasion de projets et travaux interdisciplinaires permettant à nos élèves de travailler leur esprit critique : les mathématiques étant un outil indispensable pour analyser les différents arguments intervenant dans les débats d’actualité.
NB : les documents issus de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) présentent un décalage inévitable.
Environnement et santé
Commençons par une révision de la croissance exponentielle avec la pétition Duplomb : en juillet 2025, une jeune femme [2] lance une pétition dont le nombre de signataires augmente très vite. À l’aide des réseaux sociaux et à l’aide de mails transmis, la pétition atteint rapidement un million de signatures, puis 2 millions quelques jours plus tard. Comment expliquer la rapidité de la vitesse du nombre de signatures ?
Par la croissance exponentielle !
Exercice
Si à partir de la première personne signataire chaque destinataire de mail envoie un mail à 10 personnes et que 3 personnes sur 10 signent (au moins), au bout de combien de mails la pétition aura atteint 1,5 million de signatures ? Montrer que 13 mails envoyés et traités ainsi suffisent (voir GR p.46 croissance ou décroissance exponentielle, et p.70 taux de reproduction Covid pour un calcul analogue).
Le taux de reproduction du Covid : c’est aussi une moyenne (GR p.70).
« Nier que le Covid ait pu saturer durant des mois des services hospitaliers en mettant en avant la « part moyenne » des patients Covid sur toute l’année et dans toute la France, c’est à peu près la même chose que nier la canicule de 2003 en affirmant qu’il n’a fait que 15 degrés en moyenne cette année-là. »
Travail sur les moyennes glissantes à propos de taux d’incidence/ tests (GR p. 68,69) : différences entre personnes nouvelles contaminées sur une période, (détectées à l’instant t par tests ou a posteriori par taux d’hospitalisation) versus personnes infectées sur la période ayant fait ou pas le test.
Voir étude britannique sur moyennes glissantes (source Public Health England).
L’espérance de vie
L’Espérance de vie est une moyenne (GR p.63) qui permet d’aborder différents aspects des débats d’actualités : nous vous proposerons un article spécifique à ce sujet.
Économie
Exercice (un peu d’humour)
« La dette se creuse de 5 000 euros par seconde » (F. Bayrou, juillet 2025).
Ce dessin de presse (Le Canard enchaîné, juillet 2025) affirme qu’« un œuf dur c’est 2,7 millions de dette » : calculer le temps de cuisson moyen d’un œuf dur.
Pouvoir d’achat
« Exemple de l’augmentation moyenne qui masque ou qui trompe ; longtemps (avant la récente inflation) le gouvernement affirmait que le pouvoir d’achat avait augmenté en moyenne, ce qui était faux pour les classes moyennes, vrai pour les plus précaires mais pour eux une augmentation en petit pourcentage était minime. En disant le salaire a augmenté de 2 % c’est 20 ou 30 euros pour les plus précaires et peut-être 20 000 euros pour les plus riches ! » (voir GR p.61, 62)
Exercice
À la lecture du texte suivant, avons-nous suffisamment de données pour affirmer la conclusion ?
« Depuis le début du quinquennat Macron, selon l’Institut des Politiques Publiques, le pouvoir d’achat des plus riches a augmenté de 4,1 % et baissé de 0,5 % pour les plus pauvres ».
Conclusion, « le pouvoir d’achat a augmenté en moyenne de 1,6 % ».
Jeux et paris sportifs
« 82,8 % de la dépense est concentrée sur seulement 10 % des joueurs. »
« 64 % des parieurs sportifs ont entre 18 et 34 ans. On comptait plus de 4 millions de comptes actifs en 2023 avec 1982 € de mise moyenne annuelle par compte : « 1982 € de mise moyenne pour les paris » : quelle est l’information ? »
source : Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT)
Depuis l‘ouverture des jeux en ligne en 2010, puis la privatisation de la FDJ (Française Des Jeux) et la possibilité de jouer et parier sur les mobiles, l’addiction aux paris sportifs a progressé de manière vertigineuse ; elle touche des publics de plus en plus jeunes, tandis que l’activité des jeux de hasard traditionnels a baissé. Voici quelques données chiffrées pouvant alimenter quelques exercices. Une source étant l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT).
« Depuis dix ans que le marché des jeux d’argent et de hasard s’est ouvert à la concurrence sur Internet, le nombre de joueurs a explosé, pour dépasser les 3,2 millions de comptes actifs. C’est près de trois fois plus que les joueurs de poker en ligne et plus de cinq fois celui des turfistes sur Internet. »
source : Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT)
« Rien qu’entre 2013 et 2018, le montant des mises engagées par ces joueurs est passé de 848 millions d’euros à près de 4 milliards, soit un bond en cinq ans de 370 % ! Ramenés au produit brut des jeux (PBJ), soit les mises moins les gains, les paris sportifs font, là encore, la course en tête : 691 millions d’euros en 2018, sur un total de 1,2 milliard (paris sportifs, hippiques et poker cumulés). »
source : Le Monde, janvier 2020
De 2014 à 2019, l’Observatoire des Jeux a constaté également une augmentation des paris sportifs de plus de 60 %(….) et la proportion de joueurs de paris sportifs parmi les jeux en ligne est passée de 26,1% à 61%. (Les proportions ayant encore explosé suite au Covid.)
Écologie
Exercice
Commentez : « Le visionnage des vidéos en ligne mondiales représente l’équivalent des émissions de la France (soit 1 à 2 % de la consommation mondiale). »
source Oxfam
Consommation de CO2, pays riches, pays pauvres : que signifie une moyenne quand il y a tant de variabilité ? (GR p.59)
« Un être humain émet en moyenne 6,6 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2) par tête et par an. Un Français, près de 9,9 tonnes [3]. » mais : « les 1% les plus riches sont responsables de 17% des émissions de CO2, et les 10% les plus riches de 48% des émissions de CO2. »
source Oxfam
Nombreux exemples issus de GR p.52 : consommation d’eau et production de tabac ; émissions de CO2 ; voir p.75 la différence entre « empreinte carbone » et « émission de carbone », dont un schéma.
Exercice
Expliquer à l’aide du graphique p. 75 la phrase p. 76 : « Pour la France (…) l’empreinte carbone est aujourd’hui (2022) de 43 % supérieure aux émissions territoriales ». Comparer avec le cas de l’Inde, de la Chine de l’Australie.
Augmentation moyenne de la température
« La température moyenne annuelle en France hexagonale et Corse est de 13,9 °C en 2024. Dans une perspective de climat futur, cette température annuelle sera dépassée plus d’une année sur deux dans une France à + 2,7 °C (horizon 2050) et quasi systématiquement dans une France à + 4 °C (horizon 2100). La moyenne de 2024 correspondra aux années les plus fraîches dans une France à +4 °C (moyenne attendue de 15,6) »