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Co-enseigner avec son stagiaire
Article mis en ligne le 30 septembre 2018

par Sébastien Planchenault

Qu’est-ce que le co-enseignement ?

C’est l’intervention au sein d’une même classe de deux enseignants en même temps. Par ce moyen, les enseignants vont ainsi construire la séance et la mener ensemble. Ce travail permet l’enrichissement des pratiques de chacun car il favorise l’échange d’idées. De plus, pour l’enseignant stagiaire, celui-ci permet de comprendre comment un enseignant expérimenté construit ses séances.

Ce processus met en évidence les enjeux de l’analyse à priori de la séance. D’autre part, il permet également de mettre l’enseignant stagiaire en situation de confiance car il travaille dans la classe de son tuteur. Les différents obstacles que le stagiaire peut rencontrer sont ainsi diminués telle que la gestion du groupe classe et la gestion du temps.

D’après Sébastien Chaliès, cela permet au tuteur de « sortir de la problématique : comme ils ont la responsabilité de la classe, je ne peux pas les aider en cours de travail ». Effectivement, le tuteur peut ainsi intervenir plus facilement lors de la séance, donner des conseils et sortir ainsi du processus : « tu fais, je regarde et je te conseille ».

 

Faciliter l’acquisition de gestes professionnels

Ce travail permet au stagiaire d’être davantage détendu et facilite l’acquisition de gestes professionnels. Le tuteur peut proposer au stagiaire de ne prendre en charge qu’un moment précis de la séance ; par exemple la correction collective après un travail de groupe sur un exercice à prise d’initiative. Dans le cadre de l’analyse et du traitement de l’erreur, il est difficile pour un stagiaire de mettre en œuvre un débat autour des propositions d’erreurs lors de correction. Effectivement, il n’a pas le recul suffisant et manque de confiance en lui pour réaliser ce débat. Le fait de travailler en co-enseignement permettra de travailler ce point particulier. Le fait d’être à deux permet également de mieux observer les élèves et ainsi de comprendre leurs difficultés.

La formation par co-enseignement est étudiée en particulier par les anglo-saxons qui appellent cela le « collaborating mentoring » dans laquelle les acteurs sont impliqués à réfléchir ensemble, à planifier ensemble, à faire ensemble, à faire des bilans ensembles, etc. C’est une modalité différente de tutorat, afin de sortir d’une analyse monolithique du tutorat qui peut être vécu par les enseignants stagiaires de manière trop prescriptive et inefficace dans l’acquisition des gestes professionnels. Ce travail, s’il est à mener, doit être pensé sur l’année pour ne pas déstabiliser le groupe classe.

 

Des inconvénients ?

Cependant, cette pratique est intéressante mais à également ses défauts. Le risque est que le stagiaire modélise une façon de procéder et ne développe pas sa propre pratique en essayant de calquer celle de son tuteur.

L’autre inconvénient est le temps de concertation. Le tuteur et l’enseignant stagiaire doivent préparer ensemble les séances en co-enseignement mais également avoir une analyse et un bilan collectif de cette séance afin que cela soit un temps de formation pour le stagiaire. De plus, si l’enseignant stagiaire ne vient que ponctuellement dans la classe de son tuteur, les élèves n’auront pas le sentiment de la légitimité du discours de celui-ci.

Le travail en co-enseignement crée une situation délicate pour le stagiaire mais aussi pour le tuteur. Le stagiaire devra tenter de se faire une place dans la classe, bénéficiant de la protection que lui procure la présence du titulaire, mais bridé par les limites qu’elle impose à son autonomie. Un autre point important est la relation construite avec le tuteur. Relation professionnelle qui n’est pas toujours évidente en raison du double rôle qu’effectue le tuteur : celui d’accompagnant et d’évaluateur. Ce conflit peut engendrer des tensions entre le stagiaire et son tuteur. Cette tension ne permettra pas de travailler efficacement en co-enseignement.

 

Un travail commun d’échanges et questionnements

Depuis trois ans, je suis tuteur académique et dans le cadre de cette fonction, j’ai demandé à mon chef d’établissement que mon stagiaire ait une heure de co-enseignement dans une de mes classes pour l’accompagnement personnalisé. Il est à noter que l’accompagnement personnalisé au sein de mon établissement est organisé par un travail en co-enseignement.

Lorsque j’ai posé la question à mon stagiaire sur ce que lui apportait le co-enseignement, sa réponse a été la suivante : « Travailler en co-enseignement avec mon tuteur me donne l’occasion, non seulement d’observer ses pratiques, mais aussi de les questionner et d’échanger avec lui in situ. En plus, cela me donne l’occasion de mettre en œuvre et de le voir mettre en œuvre les conseils qu’il me prodigue oralement. Par ailleurs, j’ai plus de temps d’échange ’’en live’’ avec lui grâce à ce créneau de co-enseignement, ce qui est très appréciable ».

Ce travail est très bénéfique pour moi et l’enseignant stagiaire que j’accompagne. Il facilite la mise en œuvre d’un travail commun d’analyse et de construction de séance et en particulier sur les erreurs éventuelles que produisent les élèves. Cela permet également la mise en œuvre pour le stagiaire des conseils prodigués lors d’une de mes visites dans sa classe avec la possibilité que j’intervienne afin de l’accompagner dans l’acquisition des gestes professionnels nécessaires.

L’observation pour le stagiaire est différente car ayant participé à la conception du scénario de la séance, il diffère son regard sur l’activité des élèves et plus seulement sur celle de l’enseignant.

 

Observer et analyser les difficultés des élèves

Le travail en co-enseignement permet de co-construire avec le stagiaire le scénario de la formation et ainsi permettre de travailler en détail les difficultés que vont rencontrer les élèves dans les tâches proposées mais également concevoir des éléments de remédiation à ces difficultés. Bien évidement, ce travail s’appuie particulièrement sur les connaissances didactiques de l’enseignant tuteur mais aussi par un questionnement de celui-ci avec l’enseignant stagiaire.

Par cette procédure l’enseignant stagiaire développe des compétences éducatives et pédagogiques nécessaires à la mise en œuvre de situations d’apprentissage et d’accompagnement des élèves de profils différents. « Un professionnel est censé réunir les compétences du concepteur et celle de l’exécutant : il identifie le problème, le pose, imagine et met en œuvre une solution, assure le suivi ».

 

Le co-enseignement : à préconiser !

Au vue des différentes analyses ci-dessus, la nécessité d’une formation pour les tuteurs afin de développer les compétences utiles à travailler en co-enseignement avec son stagiaire est à préconiser. En particulier, cette formation devra développer des compétences d’analyse de tâche, d’analyse réflexive ainsi que des qualités d’écoute, de bienveillance et de coopération.

 

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Les Chantiers de Pédagogie Mathématique n°178 septembre 2018
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS