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Des énigmes résolues et non résolues…
Article mis en ligne le 30 juin 2019
dernière modification le 10 août 2023

par Alain Bougeard

Dans le numéro de janvier 2019, nous avions recensé des questions qui avaient été posées dans les Chantiers depuis les origines sans jamais avoir reçu de réponses. Depuis 3 mois, seuls Jean Couzineau et moi-même avons commencé à attaquer cette tâche laissée par nos glorieux ancêtres.

Nous allons vous révéler une partie de notre travail mais pas tout pour vous laisser le plaisir de venir nous aider…

 

PB n°1 dans les Chantiers n°35 (Roger Cuculière) :

Soient $a$ et $b$ deux entiers naturels premiers entre eux. Soit $S$ la partie stable de $(\mathbb{N},+)$ engendrée par $a$ et $b$. Montrer que $S$ contient tous les entiers naturels à partir d’un certain d’entre eux, $n_0$, que l’on calculera en fonction de $a$ et $b$.

C’est jean Couzineau qui le premier a envoyé cette solution :

On suppose $ 1 \lt a \lt b$ (si $a = 1$, on a $n_0 = 0$).

Entre deux multiples consécutifs de "$a$", il y a $(a-1)$ entiers à atteindre pour "remplir" l’ensemble $\mathbb{N}$.

Soit $k$ un entier naturel, on définit l’ensemble $E_k$ :

$$E_k = \{k \times b + p \times a, p \ entier \ naturel \ strictement \ positif \}$$

Pour $0 \leqslant k \lt a$, les $E_k$ sont deux à deux disjoints.
En effet, supposons que deux $ E_k $ aient un entier en commun,
il existerait $k$ et $k’$ entre $0$ et $ a-1 $ (inclus) entraînant l’existence de $p$ et $p’$ entiers naturels tels que : $k \times b+p \times a = k’ \times b+p’ \times a$
d’où $(k-k’) \times b = (p’-p) \times a$
mais $a$ ne divise pas $b$ (premiers entre eux) et $a$ ne divise pas $k-k’$ puisque $k$ et $k’$ sont strictement inférieurs à $a$ (et positifs).
C’est absurde donc les $E_k$ sont disjoints si $0 \leqslant k \lt a-1$.

$E_0$ étant formé des multiples de $a$, les $a-1$ ensembles $E_k$ ($k$ entre $1$ et $a-1$ inclus) comblent donc les $a-1$ entiers entre deux multiples consécutifs de $a$, à partir d’un certain rang $n_0$.
On a $n_0 \lt ppcm(a,b)$
puisque $E_0$ et $ E_a$ coïncident à partir du $ppcm(a,b) = a \times b$ (premiers entre eux).

L’ensemble $E_{a-1}$ comble donc le dernier entier entre deux multiples consécutifs de $a$ avant le ppcm. Tous les entiers sont donc atteints après $ (a-1) \times b \gt n_0$ et le premier entier non atteint avant $(a-1) \times b$ est donc $(a-1) \times b - a$.

C’est donc à partir de $n_0 = (a-1) \times b - (a-1) = (a-1) \times (b-1)$ que tous les entiers sont atteints.

J’ai conscience de la faiblesse de mon argumentation pour la valeur de $n_0$ mais je n’ai pas trouvé mieux.

Et vous , pouvez-vous trouver mieux ?

 

PB n°2 dans les Chantiers n° 35 (Roger Cuculière)

Soit un quadrilatère convexe $ABCD$. On donne les angles $\widehat{BAC}$ = 60°, $\widehat{CAD}$ = 20°, $\widehat{ABD}$ = 50° et $\widehat{DBC}$ = 30°. Calculer l’angle $\widehat{ACD}$.

 
 
 
Ce genre d’exercice sur les angles existant dans un quadrilatère (ou pire) conduisent généralement à des calculs trigonométriques compliqués…

…et c’est pourquoi je m’apprêtais à le laisser aux trigonophiles passionnés…

…quand un reste de conscience m’incita à construire la figure avec mon GeoGebra favori !


Et je fis bien car cela me permis de remarquer quelques particularités dans les données, censées me faciliter la tâche :

  • D’abord deux angles $\widehat{ABC}$ et $\widehat{BAD}$ égaux (60 + 20 = 30 + 50 !)
  • Deux triangles $ABB’$ et $AB’D$ isocèles car $AD$ = $AB’$ = $AB$ par construction et d’angle à la base 60° pour $ABB’$ (ce qui en fait un triangle équilatéral) et 80° pour $AB’D$
  • deux trapèzes isocèles : $ABDE$ (mêmes angles à la base égaux à 80° et même côtés latéraux égaux à $AB$) et $ABCF$ (trouvez les raisons…)
  • un axe de symétrie $\Delta$ passant par $B’$
  • 3 droites parallèles $(AB)$, $(DE)$ et $(FC)$ créant des quantités d’angles égaux…
  • deux triangles équilatéraux : $ABB’$ déjà nommé et $FB’C$, isocèle par symétrie et avec un angle de 60°

Bref, des propriétés en pagaille dans lesquelles il fallait faire son choix, et ce ne fût pas le plus facile…

Après de nombreuses tentatives qui se mordaient la queue, le "Haha" éclata en considérant le quadrilatère $DFCB’$ qui avait une bonne tête de cerf-volant ! Il ne restait plus qu’à le démontrer :

  • $FCB’$ équilatéral me fournissait l’égalité $CF$ = $CB’$
  • Pour démontrer que $DFB’$ isocèle il suffisait de démontrer l’égalité des angles $\alpha=\beta$
    Pour $\alpha$, dans le triangle $FAB$, $\alpha$ + 80° + 60° =180° donc $\alpha$ = 40°
    et pour $\beta$, dans le triangle aplati $ABC$, 60° + $\beta$ +80° = 180° donc $\beta$ = 40°.

$CF$ = $CB’$ et $DF$ = $DB’$ donc $(DF)$ médiatrice de $[FB’]$ et axe de symétrie du cerf-volant donc $X$ est la moitié de l’angle $\widehat{FCB’}$ qui vaut 60°et finalement : $X = \widehat{ACD}$ = 30°.

Bien entendu cette construction n’est possible que parce que les 4 angles proposés sont particuliers.

Mais il reste toujours à résoudre le problème général géométriquement :

Soit un quadrilatère convexe $ABCD$. On donne les angles $\widehat{BAC}$ = $\alpha$, $\widehat{CAD}$ = $\beta$, $\widehat{ABD}$ = $\gamma$ et $\widehat{DBC}$ = $\delta$. Calculer l’angle $\widehat{ACD}$.

Si vous avez des idées…

 

PB n°3 dans les Chantiers n° 35 (Roger Cuculière)

Un train parcourt un certain trajet à une vitesse moyenne de 100 km/h. Il peut accélérer, ralentir, s’arrêter, mais on supposera qu’il ne fait jamais marche arrière. La durée du trajet, en heures, est égale à t (nombre réel positif). Pour quelles valeurs de t peut-on être certain qu’il existe durant le trajet un laps de temps de une heure pendant laquelle le train a parcouru exactement 100 km ?

Pas de solution satisfaisante pour ce PB n°3. On attend la vôtre.

 

PB n°4 dans les Chantiers n° 38 (auteur inconnu)

n roues dentées sont emboîtées de façon à former une chaîne fermée. On essaye de faire tourner l’une des roues. Le système se mettra-t-il en mouvement ?

Beaucoup de productions de Couzineau et de moi-même sur ce sujet, mais des difficultés à les mettre en forme. D’abord pour modéliser ce que l’on entend par roue dentée, les choisir identiques ou non, ensuite des difficultés pour réaliser l’animation qui devient vite très pesante et essouffle les ordinateurs les plus puissants.

En tout cas, nous sommes sûrs que la réponse à la question est OUI pour certains systèmes et NON pour d’autres et que nous cherchons une caractérisation de cette possibilité pour un système de se mettre en mouvement…

Suite au prochain numéro…

 

PB n°5 dans les Chantiers n° 39 (auteur inconnu)

Quel est le maximum de l’aire d’un triangle inscrit dans un cercle de rayon R ?

Si l’on considère le triangle $ABC$ inscrit dans le cercle, il est facile de voir que le maximum de son aire, la base $[BC]$ étant fixée, est obtenu lorsque le point $A$ sera en $A’$ tel que $A’BC$ soit isocèle car alors la hauteur $AH$ sera maximum.

Avec un peu d’intuition on peut aussi penser que le maximum absolu de l’aire sera atteinte lorsque $ABC$ sera 3 fois isocèle c’est-à-dire équilatéral.

Pour ceux qui considéreraient que cette démonstration est par trop intuitionniste, on peut aussi faire un petit calcul en prenant $R = 1$ et $OH = h$.

La hauteur $AH = 1+h$ et la demi-base $CH$ se calcule en considérant la puissance du point $H$ : $HB^2= HA’×HA’’ = (1+h)(1-h)$.

Calculons le carré de l’aire du triangle $ABC$ :
$f(h) =(1+h)²(1+h)(1-h)=(1+h)^3(1-h)$

et sa dérivée :
$f’(h) = 3(1+h)²(1-h)+(1+h)^3(-1) = (1+h)²(3-3h-1-h)=(1+h)²(2-4h)$
 
dont la seule racine positive est $\frac{1}{2}$, ce qui prouve que $H$ doit être au milieu de $[OA’’]$ et par là même que le triangle $ABC$ doit être équilatéral.

 

PB n°6 dans les Chantiers n° 39 (auteur inconnu)

Quel est le maximum de l’aire d’un triangle inscrit dans un parallélogramme d’aire $\mathscr{A}$ ?

Si dans un parallélogramme $ABCD$ à 4 côtés on inscrit un triangle $MNP$ à 3 sommets, il y a au moins un côté qui ne reçoit pas de sommet. Supposons que ce soit $[AB]$ et que $M$ soit sur $[AD]$, $N$ sur $[DC]$ et $P$ sur $[CB]$ (On élimine les cas où des sommets du triangle sont confondus avec des sommets du parallélogramme, cas particuliers que l’on va retrouver par la suite).

Les droites $(AD)$ et $(NP)$ se coupent en un point de la demi-droite $[MD)$ et, par conséquent, le point $A$, qui appartient à la demi-droite complémentaire, est plus éloigné de la droite $(NP)$ que ne l’est le point $M$. Par conséquent les triangles $MNP$ et $ANP$ qui ont même base et des hauteurs inégales ont des aires classées dans le même ordre que les hauteurs donc $\displaystyle\mathscr{A}(ANP)$ > $\displaystyle\mathscr{A}(MNP)$ (avec égalité si $M=A$).

De même, les droites $(AP)$ et $(DC)$ se coupent en un point de la demi-droite $[NC)$ et par le même raisonnement on prouve que $\displaystyle\mathscr{A}(ADP)$ > $\displaystyle\mathscr{A}(ANP)$ (avec égalité si $P=B$).

Enfin, le parallélisme des droites $(AD)$ et $(BC)$ permet de conclure que nous avons $\displaystyle\mathscr{A}(ADP)$ = $\displaystyle\mathscr{A}(ADB)$ = $\dfrac{\mathscr{A}}{2}$ qui est donc l’aire maximale d’un triangle inscrit dans un parallélogramme d’aire $\mathscr{A}$.

 

PB n°7 dans les Chantiers n° 39 (auteur inconnu)

Quel est le maximum de l’aire d’un rectangle inscrit dans un triangle d’aire $\mathscr{A}$ ?

Soit un triangle $ABC$ et un point $M$ appartenant à la base $[AB]$ (avec 3 choix de base possibles).

À partir de ce point $M$ il est facile de construire le rectangle $MNPQ$ ; le choix de la base $[AB]$ entraînant l’appartenance de 2 sommets du rectangle à cette base.

On remarque d’ailleurs qu’il suffit de choisir le point $M$ dans le segment $[AH]$ avec $H$ projection orthogonale de $C$ sur $[AB]$ pour obtenir tous les rectangles (tout au moins dans le cas d’un rectangle acutangle, nous verrons plus tard ce qu’il en est sinon).

En prenant pour variable $x$ la longueur de $[AM]$, on peut montrer, en utilisant les homothéties de centre $A$ puis celle de centre $ C$, que les longueurs $MN$ et $NP$ sont des fonctions affines de $x$ et, par conséquent, l’aire du rectangle $MNPQ$ est une fonction de second degré de $x$ qui s’annule lorsque $M$ est en $A$ et $M$ est en $H$.

Par conséquent la parabole représentative de cette fonction (suggérée en pointillé vert) admet pour axe de symétrie la médiatrice de $[AH]$ et donc, lorsque $M$ sera en $M_0$ (milieu de $[AH]$), l’aire sera à son maximum et le rectangle $M_0N_0P_0Q_0$ est le rectangle cherché.

En utilisant les symétries par rapport aux côtés de ce rectangle, $A$ symétrique de $H$ par rapport à $(M_0N_0)$, $C$ symétrique de $H$ par rapport à $(P_0N_0)$ et $B$ symétrique de $H$ par rapport à $(P_0Q_0)$, il est facile de démontrer que l’aire du rectangle $M_0N_0P_0Q_0$ est la moitié de l’aire du triangle $ABC$ donc vaut $\dfrac{\mathscr{A}}{2}$.

Ce qui, au passage, permet de prouver que le choix de la base initiale n’a aucune importance car la même démonstration conduirait au même résultat.

Enfin, si le triangle n’est pas acutangle, il suffit de prendre pour base le plus grand côté et de faire la même démonstration.

Et pourtant cette démonstration utilisant sans le dire la résolution d’une équation du second degré me laissait un goût d’insatisfaction : il devait y avoir une démonstration plus simple…

De quoi s’agit-il en somme ?

Le problème peut se réduire à considérer un triangle $ABC$ rectangle en $A$, $M$ étant un point de l’hypoténuse, $H$ et $K$ ses projections orthogonales sur les côtés de l’angle droit dans lequel il faudrait démontrer que l’aire du rectangle $AKMH$ est toujours inférieure à celle du rectangle $AJDI$ ($J$, $D$ et $I$ étant les milieux des côtés du triangle).

Et là, il suffit d’un simple calcul pour le prouver :

si l’on pose $AB$ = $2b$ et $AC$ = $2a$, l’aire du rectangle $AJDI$ est alors $ab$.

En posant $JK$ = $p$ (positif si $K$ appartient à $[CK]$, négatif sinon), $AK$ vaut donc $a+p$.

Pour le côté $KM$, maître Thalès nous fournira la réponse puisque $\dfrac{KM}{JD} = \dfrac{CK}{CJ}$
donc $\dfrac{KM}{b} = \dfrac{a-p}{a}$
d’où l’on tire $KM = \dfrac{b(a-p)}{a}$
et $\displaystyle\mathscr{A}(AKMH) = \dfrac{b(a-p)(a+p)}{a} = \dfrac{b(a²-p²)}{a} = ab-\dfrac{p²b}{a}$
quantité inférieure à $ab$ puisque $\dfrac{p^2b}{a}$ est toujours positive.

C’est quand même plus simple, mais peut-être peut-on se passer de tout calcul ? C’est mon rêve.

Bon, c’est assez long pour ce numéro !

Il reste donc les problèmes 3, 4, 8 et 9 pour la prochaine fois et vous avez toutes les vacances pour apporter votre grain de sel.

À vos claviers.

 



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Les Chantiers de Pédagogie Mathématique n°181 juin 2019
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS