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La classe inversée
Article mis en ligne le 30 mars 2017
dernière modification le 29 juin 2017

Présentation d’un cahier de didactique du LDAR [1] : Quand le professeur de mathématiques est sur YouTube… Quelques réflexions sur les moments d’exposition des connaissances et les capsules pour des classes inversées

Un dispositif récent

Un certain nombre d’enseignants s’interrogent, à la suite de l’institution elle-même, sur les dispositifs appelés « classe inversée » ou « pédagogie inversée », qui se sont répandus depuis un petit moment aux USA et au Canada.

En fait la possibilité de fabriquer des vidéos à disposition des élèves a redonné vie à ce type de pratiques : auparavant, lorsqu’était adopté un dispositif inversant partiellement le lieu du travail du cours et des exercices pour les élèves, c’était des documents écrits que les élèves avaient à étudier à la maison, à la place du cours en classe de l’enseignant… Et de fait il y a maintenant sur le net beaucoup de vidéos de cours, très courtes (appelées capsules), disponibles d’une certaine manière : elles présentent soit des moments de cours soit des méthodes, il y en a aussi qui présentent des exercices corrigés.

Comment les apprécier, et pour quel usage ?

On se rend vite compte à regarder ces vidéos et à lire les documents variés sur le sujet, qu’il y a beaucoup d’usages différents, et notamment différents de l’usage originel. Ce dernier consiste à introduire le cours (un extrait de cours) dans une capsule (de 5 à 8 minutes en général), étudiée à la maison, dont l’écoute est « vérifiée » par la réponse en ligne à un petit questionnaire- élève à remplir après le visionnement ; cette écoute étant suivie d’exercices travaillés en classe, en groupes de niveaux (ilots), établis à partir des réponses aux questionnaires-élèves. En fait une capsule est souvent donnée après une première séance sur la notion, avec activités d’introduction, ou non d’ailleurs - ce qui change par rapport au projet initial, quelquefois elle s’annonce aussi destinée aux révisions, ou peut aider les élèves ayant manqué un cours…

Par-delà la prolifération de ces ressources, et l’attrait éventuel d’un cours « tout prêt », c’est évidemment la difficulté des moments où l’enseignant expose des connaissances, pour lui et/ou pour un certain nombre d’élèves, voire la perte de temps du recopiage ou même le décrochage, qui amène à réfléchir aux façons de « faire cours », et à se demander comment penser les capsules.

Un certain nombre d’exposés et de séminaires ont été organisés pour les mathématiques sur le thème (par la régionale parisienne de l’APMEP, à l’IREM…), il y a même un congrès de la classe inversée depuis 2015 (toutes disciplines confondues).

Le portail des mathématiques du ministère propose une série de textes généralistes (sur la démarche, indépendamment des contenus), plutôt favorables à ce dispositif, de H. Dufour par exemple, et un certain nombre de témoignages d’expériences, éventuellement avec accès aux vidéos élaborées. Le café pédagogique pour sa part donne aussi la parole à des analyses de collègues perplexes (par exemple de P. Devin).

Le cahier du LDAR (laboratoire de didactique André Revuz) n°16

Le cahier du LDAR n°16 a pour ambition de proposer une première réflexion sur cette question des cours et des capsules (vidéos de cours) en mathématiques, pour le collège, le lycée et la première année d’université. Il ne s’agit pas de « juger » mais de se donner divers moyens d’apprécier ce qui est en jeu (à partir de témoignages et d’analyses), en faisant un détour par une réflexion, didactique, sur les moments d‘exposition des connaissances (les cours).

Des témoignages

Les témoignages rédigés dans le cahier révèlent l’usage qui a été fait des capsules, dans l’ensemble des séances consacrées à une notion, ce qui est un élément très important d’appréciation.

Le premier témoignage de L. Asius, auteur et utilisateur de ses propres vidéos (en collège), permet de comprendre ses motivations (ralentir si ce n’est arrêter le décrochage de certains élèves). L’auteur décrit précisément le dispositif utilisé, la manière de faire comprendre aux élèves ce qui est attendu d’eux, et la manière de concevoir et d’utiliser ces vidéos, avec des renvois appropriés au matériel sur le net. Il explique qu’il a effectivement retardé les décrochages et s’interroge plus généralement sur la valeur ajoutée par le dispositif. Un lecteur extérieur peut se dire à la lecture qu’il est pour le moins nécessaire, pour l’enseignant, de re-réfléchir à ses projets de cours, pour en transformer certains et à certains moments en capsules (lesquels ?), d’autant qu’elles sont accompagnées de questionnaires aux élèves devant témoigner efficacement de leur lecture.

Le témoignage de S. Bridoux en première année d’université renforce d’une certaine manière le précédent, en montrant notamment que, faute d’une réflexion préalable avec les étudiants sur l’usage d’une capsule, il ne passe pas grand-chose… Le cours en présentiel, sur une notion assez difficile mais pas entièrement nouvelle (limites de suites), semble beaucoup mieux approprié aux objectifs de l’enseignant, en termes d’utilisation du formalisme et de rigueur. Cependant même dans ces conditions peu favorables, l’écoute des capsules amène des questions nouvelles, non rencontrées jusqu’alors.

Ainsi se posent avec force les questions de contenus appropriés à faire des capsules et de contrat à passer avec les élèves pour leur étude.

Le troisième témoignage concerne des capsules montrant l’usage d’instruments de géométrie en sixième, avec quelques éclairages sur les déroulements dans deux classes, avec et sans…

Une réflexion sur le phénomène

Une réflexion un peu générale sur les contenus des cours et leurs rôles possibles dans les apprentissages est ensuite livrée, débouchant sur l’importance des modalités adoptées pour leurs déroulements en classe. Les outils mis en place, notamment pour caractériser les liens que fait ou non l’enseignant entre le savoir exposé et ce que font les élèves, sont mis en œuvre successivement sur deux vrais cours, extraits de séances sur les résolutions d’inéquations en seconde, et sur une capsule sur le même sujet. On constate des différences liées notamment aux durées respectives, la brièveté (volontaire) de la capsule n’autorisant évidemment pas toutes les interactions et explicitations données en cours. De plus d’autres différences apparaissent, liées au vocabulaire, au niveau de rigueur choisi…

Un certain nombre de régularités sur les capsules issues du net sont alors dégagées, mais il faut souligner le caractère partiel de ces éléments d’analyse qui ne tiennent pas compte des usages effectifs. Ces ressources, nécessairement réduites, sont par exemple presque toujours sans aucun lien avec ce qui précède et de ce qui suit dans les séances, ce qui n’est sans doute pas dommageable pour les élèves de l’enseignant les ayant fabriquées mais qui pourrait poser problème en cas d’emprunt.

Cela conduit les auteurs à la nécessité d’élaborer un cahier des charges pour réfléchir à l’utilisation de ce type de ressources, mettant en jeu les notions, le moment où s’introduirait la capsule, le contrat passé avec les élèves, la qualité des questionnaires, voire la qualité technique des vidéos…

Aline Robert, L. Vivier

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Les chantiers de pédagogie mathématique n°172 mars 2017
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS