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Le dollar inutile
Article mis en ligne le 21 décembre 2017
dernière modification le 19 juillet 2022

par Alain Bougeard

Une double notation

Dans l’article intitulé Le dollar roi paru dans le numéro précédent des Chantiers, Pierre Dolain fait semblant de découvrir la double notation des cellules (A1) ou (L1C1) employée dans les tableurs de sa connaissance et les problèmes que cela entraîne lorsque l’on utilise les références relatives (qui sont les plus courantes) et les références absolues (que pour ma part je n’utilise jamais mais qu’il faut bien enseigner puisque… cela peut tomber à l’examen !).

C’est vrai que cette double notation ne simplifie pas la tâche des enseignants d’autant plus que la disparition de la notion de vecteur en cycle 4 enlève une possibilité d’explication et de compréhension des deux notations.

Je suppose acquise par les élèves la compréhension de la différence entre l’adresse de la cellule et son contenu et également l’importance du signe égal qui joue le rôle d’une "fonction translation" (rôle que l’on peut mettre en évidence par exemple en leur faisant écrire dans la cellule C3 le texte "A1" puis "=A1"...). J’ai pu constater que le fait de mettre dans A1 autre chose qu’un nombre (un mot ou mieux une image ou une musique…) aidait beaucoup à cette compréhension.

Commençons par les références relatives.

Lorsque dans une cellule $N$ on fait appel dans une formule à une cellule $M$ cela met en place une translation de vecteur $\vec{u}=\overrightarrow{MN}$ qui utilise le contenu de la cellule $M$ dans la cellule $N$. Et c’est cette double notation du vecteur $\vec{u}$ ou $\overrightarrow{MN}$ qui va permettre de comprendre la double notation des cellules.

Cas de la notation (L1C1)

Ici nous sommes en notation (L1C1) et l’écriture =L(-2)C(-2) dans la cellule extrémité revient à donner le vecteur $-\vec{u}$ par ses composantes qui vont nous permettre de remonter à la cellule origine. Personnellement je trouve cela un peu tordu…


Je sais bien qu’il n’y a pas besoin de calculer ces coordonnées pour les obtenir et qu’il suffit d’aller cliquer sur la cellule origine mais justement le mélange des deux n’améliore pas la compréhension du phénomène.

Cas de la notation (A1)

Là nous sommes en notation (A1) et l’écriture "=A1" dans la cellule extrémité $N$ nous donne les coordonnées de la cellule origine $M$.

N’est-ce pas plus simple ?


Mais c’est au moment de l’utilisation de la recopie des cellules (soit par un simple copier-coller, soit en utilisant la recopie automatique du tableur) que tout va se jouer. Si la cellule que l’on recopie contient une simple donnée (numérique ou autre) on va retrouver dans la cellule recopiée le même contenu sans modification, mais si cette cellule contient une formule portant sur d’autres cellules il se passe des choses bizarres qu’il convient d’expliquer. Et alors on pourra se poser la question : laquelle des deux notations est la plus apte à faire comprendre le phénomène.

Prenons un exemple simple :
 Cellule $M$ (contenu "12")
 Cellule $N$ (contenu "=M")
 une autre cellule $M’$ (contenu "17")
et enfin on va recopier le contenu de la cellule $N$ dans la cellule $N’$ telle que $\overrightarrow{MN}=\overrightarrow{M’N’}=\vec{u}$

Cas de la notation (L1C1)

Cellule $M$ : L(1)C(1) (contenu "12")
Cellule $N$ : L(3)C(3) (contenu "=L(-2) C(-2)")
Cellule $M’$ : L(4)C(1) (contenu "12")
Cellule $N’$ : L(6)C(3) (contenu "=L(-2) C(-2)")

Ici le contenu de la cellule $N’$ est le même que celui de la cellule $N$. Normal pensera le béotien puisque l’on a fait un copier-coller mais s’il n’a pas compris que ce contenu indique une translation à faire il aura du mal à réaliser que le résultat soit 17 et non 12…

Cas de la notation (A1)

Cellule $M$ : A1 (contenu "12")
Cellule $N$ : C3 (contenu "=A1")
Cellule $M’$ : A4 (contenu "12")
Cellule $N$ : C6 (contenu "=A4")

Ici le contenu de la cellule $N’$ est différent de celui de $N$ et indique clairement quelle cellule sera utilisée $(M’)$ dans le calcul et en rappelant opportunément qu’une référence relative dépend de la cellule dans laquelle elle est écrite.

Conclusion
Pour des raisons de commodité d’écriture et de compréhension de ce que je fais, j’opte pour la notation (A1) tant pour mon usage personnel que pour l’explication pédagogique. Mais comme tout bon professeur se doit d’expliquer les deux (en essayant de ne pas embrouiller tout) je montrerais la notation (L1C1) plus tard en fin d’année à l’occasion d’un sujet d’examen qui utiliserait cette notation (si ça existe) et je saisirais mon association de spécialistes (l’APMEP par exemple) et mon syndicat pour qu’ils interviennent auprès du ministère afin d’imposer une seule notation, (A1) bien sûr, dans les sujets d’examen…

Continuons par les références absolues.

Il existe un moyen d’empêcher le tableur d’utiliser sa faculté de transformer l’adresse d’une cellule lors d’une recopie c’est d’attribuer à celle-ci une adresse absolue qui ne changera pas lors de diverses recopies.

Pour la notation (A1) : c’est l’adjonction des fameux dollars chers à Pierre Dolain ($D$8) et la conservation de la logique de la notation MN de la translation (dans la case $N$ on écrit la formule de la case $M$).

Pour la notation (L1C1) : c’est non seulement la suppression des parenthèses (on note L4C8 au lieu de L(4)C(8)) mais c’est surtout l’abandon de la logique de la notation u du vecteur de la translation (la notation =L4C8 ne signifie plus que l’on doit avancer de 4 et monter de 8 mais de se rendre à la case L(4)C(8) comme dans la notation (A1). Comment font les élèves de cycle 4 qui s’y retrouvent ?

Avant d’abandonner ces références absolues, inutiles pour moi, je rappelle à ceux qui ne le sauraient pas encore qu’il existe un moyen d’ajouter des dollars sans se salir les mains c’est d’utiliser la miraculeuse touche F4 qui, frappée à la fin de l’écriture de "=C3", vous le transforme en "=$C$3" directement… Alors que les besogneux du L1C1 s’ils sont dans la case L(3)C(2) et qu’il écrivent "=L(-2)C(-1)" la frappe de F4 leur fera apparaître "=L1C1"… je pense que vous avez compris pourquoi !

Passons sur les références semi-absolues ou semi-relatives ou mixtes.

Comme je n’ai jamais compris ni l’utilité, ni l’utilisation de ces monstres je m’abstiendrai d’en parler mais la touche F4, elle, sait s’en servir (en boucle) :

(=A1) + F4 donne(=$A$1) + F4 donne(=A$1) + F4 donne(=$A1) + F4 donne(=A1) +F4 donne etc.

Comment se passer de l’absolu ?

Dans une feuille Excel voire dans un fichier il peut exister des nombres "constants" et surtout constamment utilisés dans la construction de formules (des taux, des coefficients, des dates de références, etc.). Alors, plutôt que d’écrire des notations absolues dont on a vu les inconvénients, pourquoi ne pas leur donner une référence nominale c’est-à-dire leur donner un nom qui a un rapport avec le contenu. Rien n’est plus facile à faire ni plus commode à mettre en œuvre.

On va utiliser Excel (mais la démarche est la même dans libre Office).

Dans la case "zone nom" (sous "FICHIER") on remplace l’adresse de la case (A1) par le nom que l’on veut lui donner, ici "taux". Puis à droite, dans la case indiquant son contenu, on entre la valeur que l’on veut, ici "5%".

Et voilà notre cellule (A1) devenu "taux", référence absolue, prête à servir dans n’importe quelle cellule de n’importe quelle feuille du classeur. Et pour modifier tout cela vous pouvez aller dans l’onglet "formules" puis "gestionnaire de noms".


En prenant l’habitude de réserver quelques lignes en haut de la feuille pour tous les noms cela devient très vite efficace (même avec la notation (L1C1)…).

Voilà quelques réflexions sur les références relatives et absolues relevant de la pédagogie du tableur. Et si je suis un adepte de la notation (A1) ce n’est pas parce que je suis un adorateur de la finance américaine et de son dieu dollar ni parce que c’est la plus utilisée (elle est heureusement par défaut sur le tableur et il faut savoir farfouiller pour la changer !) mais parce qu’il me semble que c’est la plus facile à lire et à écrire mais surtout parce que c’est celle qui permet de mieux comprendre ce que l’on fait.

Pour aller plus loin

Un article Le sens de la formule, de la revue Repères-IREM, vous donnera d’autres points de vue sur l’utilisation de la fonction "nommer" d’un tableur.



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Les chantiers de pédagogie mathématique n°175 décembre 2017
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS