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Réforme du collège : le grand méchant flou
Article mis en ligne le 21 mars 2016
dernière modification le 3 juillet 2017

par Claudie Missenard

Plus l’année scolaire avance, et plus la mise en place de la réforme des écoles et collèges paraît nébuleuse aux acteurs de terrain. C’est ce qui ressort des échanges qui ont eu lieu fin janvier au sein du comité de la Régionale, où étaient présents des collègues des trois académies d’Île-de-France.

La formation promise

Dans ce domaine, ce n’est pas l’égalité qui règne. Une seule chose semble sûre, c’est que l’objectif affiché de huit journées de formation pour tous les personnels concernés est hors d’atteinte. Pour l’instant, l’état des lieux montre une grande diversité. Ici, absolument rien ne s’est passé. Ailleurs deux collègues de l’établissement ont participé à une réunion d’information, mais rien n’est remonté. Là, c’est le principal qui a pris l’initiative de réunir ses personnels. Et le recueil d’informations fiables n’est pas facile, tant chaque établissement semble un cas particulier.

Voici ce qu’a perçu l’échantillon présent dans la discussion.

L’académie de Créteil s’apprête juste à lancer le processus de formation : 2 journées de formation disciplinaires, sur les programmes et les EPI, auraient lieu en mars-avril sur chaque bassin de formation. Tous les enseignants de collège seraient concernés.

Dans l’académie de Versailles, il est prévu une formation de 2 heures par discipline pour chaque enseignant, formation menée par les IPR. Sauf demande particulière venant des chefs d’établissements, aucune formation sur le cadre général de la réforme n’est prévue.

Dans l’académie de Paris, une présentation de la réforme sur une demi-journée est prévue pour tous. Un professeur par établissement aura une formation sur Scratch, qu’il aura mission de répercuter sur ses collègues. Et trois demi-journées disciplinaires devraient avoir lieu.

Cet accompagnement aléatoire des personnels à quelques mois de l’entrée en vigueur d’une réforme de cette ampleur ne peut qu’inquiéter. Et ceci dans un climat souvent très lourd où beaucoup d’enseignants, pour des raisons parfois totalement contradictoires, se retrouvent vent debout contre cette réforme, ce qui n’encourage pas les formateurs qui ont conscience d’intervenir en terrain miné…

Point d’interrogation n°1 : les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires)

C’est un des points les plus délicats. Et où le calendrier joue un rôle nocif. Les modes d’organisation et d’intervention, en particulier pour les profs de maths, dans ces enseignements sont, pour le moment, plutôt nébuleux. Alors que les DHG sont sur le bureau des chefs d’établissements, personne ne voit clairement comment ces enseignements vont concrètement se passer. Alors qu’ils concernent les trois niveaux du cycle 4, et doivent donc être pensés dans une certaine globalité. Les chefs, livrés à eux-mêmes sont inquiets ou philosophes, c’est selon. Une chose est sûre : travailler en synergie interdisciplinaire demande de l’anticipation, et se prépare à l’avance. Ce n’est pas le cas présentement.

Point d’interrogation n°2 : l’AP (accompagnement personnalisé)

Les présents pensent qu’il y a là une volonté d’installer une modification structurelle importante. Le prof est plus habitué à travailler en « face à face » avec ses élèves que « côte à côte ». Il doit faire évoluer sa pratique. Et les modalités sont à imaginer. D’autant que l’AP concerne tous les élèves, et maintenant tous les niveaux du collège. Beaucoup d’interrogations demeurent : pourra-t-on travailler en petits groupes ? Faire intervenir deux professeurs sur une classe entière ? Certains chapitres du programme pourront-ils être traités uniquement en AP ? Des dispositifs avec trois professeurs sur deux classes sont-ils utilisables dans le cadre des heures d’AP ?

Point d’interrogation n°3 : le cycle 3

La coordination des enseignants du premier et second degré est nécessaire pour la bonne marche du cycle 3. Il serait nécessaire de bâtir une progression de cycle, de faire un vrai travail de fond avec les enseignants de CM1, CM2 et 6e. Mais quand ? Dans quelle structure ? Et en sachant que les collègues du premier degré sont concernés par toutes les disciplines. Repousser ce travail aux dernières semaines de l’année scolaire est-il raisonnable ? Ne va-t-on pas l’évacuer dans de nombreux endroits où la tradition de liaison CM2-6e est déjà ténue ou inexistante ?

Point d’interrogation n°4 : l’introduction de l’algorithmique

Finalement, ce qui semble le moins tracasser notre échantillon (peut-être spécialement non représentatif dans ce domaine), ce sont les nouveaux contenus à enseigner, avec son volet algorithmique, qui pourtant est le point le plus nouveau. La prise en mains du logiciel Scratch ne semble pas trop effrayer nos jeunes enseignants, sans doute moins réfractaires à la nouveauté que certains de leurs aînés. Mais quand on voit qu’il existe des classes où des items qui figurent dans les programmes depuis plus de dix ans (utilisation du tableur ou des logiciels de géométrie dynamique) ne sont pas mis en place, on peut être assez inquiet.

Pour résumer cette discussion d’un soir

Cette réforme touche neuf années d’enseignement d’un coup (du jamais vu) et met en place des changements importants dans la manière de concevoir la transmission dont est chargée l’école. Le comité de la Régionale, sans être a priori hostile à ces nécessaires évolutions, qui suivent celles d’un monde en mouvement, a fait état de sérieuses inquiétudes au vu du décalage entre l’ambition de cette réforme et les conditions de sa mise en place. Il est d’ores et déjà visible que les enseignants, acteurs de la réforme, y entreront, à la rentrée 2016, avec de nombreux points d’interrogation dans la tête et sans la préparation qui permettrait d’en comprendre la philosophie profonde et d’envisager la rentrée avec sérénité.

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Les chantiers de pédagogie mathématique n°168 mars 2016
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