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La « Maison Poincaré » : un espace d’exposition dédié aux mathématiques
Article mis en ligne le 4 avril 2022
dernière modification le 22 février 2024

par Clothilde Fermanian Kammerer, Sylvie Benzoni-Gavaje

Un espace de médiation
au sein de l’Institut Henri Poincaré

L’Institut Henri Poincaré, véritable maison des mathématiques et de la physique théorique, fut fondé par Émile Borel et bâti en 1928 grâce à des mécènes privés au sein de la Faculté des sciences de l’Université de Paris.

Conçu initialement comme un « centre d’enseignement et de recherches scientifiques sur la physique mathématique et théorique et les sciences connexes, telles que le calcul des probabilités », cette maison fut refondée au tournant des années 1980 — 1990.

Elle se veut aujourd’hui basée sur un triptyque :

Le 3e volet du triptyque a été mis en œuvre depuis une douzaine d’années autour d’activités pour les scolaires, de conférences et colloques grand public, d’expositions à la bibliothèque et hors les murs, de films documentaires, d’un ciné-club et de podcasts. Il lui manquait cependant un lieu spécifique pour se matérialiser pleinement, les activités classiques de l’IHP [1] étant elles-mêmes à l’étroit.

Lancé dans les années 2010 sous l’impulsion de Cédric Villani [2], un grand projet d’extension donnera en 2022 à l’IHP la place de remplir toutes ses missions et en particulier celles d’accueillir du public, notamment scolaire, dans des locaux appropriés. La « Maison Poincaré » désigne en même temps le département de l’IHP en charge de toutes les activités de diffusion et de médiation des mathématiques, et le futur espace d’accueil du public. Ce dernier est repérable à son logo :

Le projet de la Maison Poincaré est une chance unique de développer un programme muséographique porté par un institut de recherche en mathématiques.

 

Le « bâtiment Perrin »,
un projet de réhabilitation

Bien qu’agrandi deux fois (construction des 3e et 4e étage en 1954 et de la salle de lecture et de la mezzanine de la bibliothèque en 1971) jusqu’à atteindre 4 000 m², le bâtiment historique de l’IHP, dit « bâtiment Borel » ne suffisait plus aux nombreuses activités accueillies ou organisées par l’IHP. Le bâtiment d’en face, construit pour le laboratoire de chimie physique de Jean Perrin en 1926 et appartenant à Sorbonne Université (anciennement Université Pierre et Marie Curie), est aujourd’hui en cours de réhabilitation pour permettre l’extension de l’IHP.

Bâtiments Borel et Perrin vus du ciel © IHP

Financé et soutenu par le CPER [3] 2015 — 2020 (CNRS, État, Région Île-de-France et Ville de Paris), le projet architectural prévoit de dédier tout le rez-de-chaussée et une bonne partie du sous-sol à l’accueil du public, soit 900 m² pour une exposition permanente, un espace d’exposition temporaire et une grande salle d’activités de médiation. Les étages supérieurs — environ 1 100 m² — seront essentiellement réservés aux activités scientifiques. Le projet, en particulier muséographique, est aussi soutenu par des fonds privés, levés auprès de mécènes par le Fonds de dotation de l’IHP, créé en 2016 par les tutelles de l’IHP (CNRS et Université Pierre et Marie Curie à l’époque), les entreprises partenaires et les sociétés savantes.

Emplacement des bâtiments Borel et Perrin sur le campus Curie © IHP & Atelier Novembre

 

La « Maison Poincaré »,
un programme muséographique porté par la communauté mathématique

Quand le cabinet de scénographes Du&Ma fut sélectionné aux côtés de l’architecte Atelier Novembre en 2017, les ambitions du programme muséographique pour l’exposition permanente étaient là : montrer que les mathématiques constituent une science vaste et vivante, en interaction permanente avec les autres sciences et la société. Cependant tout le contenu restait à concevoir. Il est aujourd’hui quasiment finalisé et en cours de production par des prestataires. C’est le fruit d’une collaboration avec la muséographe Céline Nadal (MuseoScience), la cheffe de projet Marion Liewig et des dizaines de volontaires enthousiastes : chercheurs et chercheuses, enseignant·es, médiateurs et médiatrices, ingénieur⋅es…

Dans ce travail collectif, nous avions notamment pour objectif de donner une image accessible, moderne et inclusive des mathématiques, propre à susciter la curiosité et l’étonnement du public. Nous visons particulièrement les jeunes, à partir de la classe de 4e. Les classes seront systématiquement accompagnées par un médiateur ou une médiatrice.

Modélisation du bâtiment Perrin après réhabilitation (vues Ouest à gauche, Est à droite) © Egis

 

L’exposition permanente,
montrer les mathématiques en action

L’exposition permanente de la Maison Poincaré s’articule autour d’espaces patrimoniaux (le bureau, la salle de thé et l’amphithéâtre Perrin) et d’espaces aménagés de manière moderne (l’atrium, la grande galerie et la salle Alice).

Plan du rez-de-chaussée du bâtiment Perrin : espaces muséographiques et jardin. © Du&Ma

Le parcours de visite, sans ordre prédéfini, est guidé par des verbes d’action, un par espace.

  • Connecter
    dans l’atrium, le public pourra se poser sur les marches pour observer la carte de « métro mathématique » et les objets du quotidien qui l’entourent, l’idée étant de faire percevoir les innombrables connexions entre les différents domaines ; des jeux et histoires animées permettront d’approfondir cette sensation.
  • Devenir
    dans l’ancien bureau de Jean Perrin, en écho à Jean Perrin lui-même et à la physicienne Yvette Cauchois, deux figures emblématiques de l’histoire du lieu, le public découvrira une série de portraits de femmes et d’hommes contemporains aux engagements et parcours divers, empreints de mathématiques et de valeurs en rapport avec la science.
  • Inventer
    dans l’amphithéâtre Perrin et sur sa coursive, autour de portraits photo et vidéo, d’objets et de panneaux, on montrera diverses manières de faire avancer la recherche en mathématiques, que ce soit pour résoudre des problèmes ou pour construire de nouvelles théories ; l’importance du travail collectif et la dimension temporelle du processus de construction du savoir seront soulignés au travers d’exemples récents.
  • Modéliser
    dans la grande galerie, seront abordées diverses manières de décrire le monde par les mathématiques en interaction avec la physique, la biologie, l’informatique, etc, au travers de jeux, expériences et vidéos ; les thèmes principaux porteront sur les spectres et ondes, hasard et données, foules et fluides.
  • Partager
    dans l’ancienne salle de thé du laboratoire de chimie physique où Perrin, Borel et d’autres intellectuel·les se retrouvaient régulièrement, un livre sonore, un chuchoteur de formules, une carte spatio-temporelle interactive, des objets artistico-mathématiques — dont les fameux modèles de l’IHP photographiés par Man Ray — évoqueront l’échange, le partage et les liens qui unissent art et mathématiques.
  • Visualiser
    la salle Alice (en référence à Alice au pays des merveilles dans le programme de médiation) sera le lieu de l’expérience Holo-Math, qui permettra au public de manipuler en réalité mixte des concepts abstraits tels que le mouvement brownien ; l’animation sera assurée par un médiateur ou une médiatrice pour des petits groupes.

On remarquera une certaine correspondance entre ces verbes et les compétences attendues en fin de collège. On peut grosso modo la résumer dans le tableau ci-dessous, mais d’autres fils pourront être tirés par les médiateurs et médiatrices, au cours de la visite ou lors d’ateliers.

Par exemple en ce qui concerne « calculer », des machines à calculer appartenant aux collections patrimoniales de l’IHP seront présentées comme un clin d’œil à l’histoire du calcul et de l’informatique, dans le sas juste avant la salle Alice, où les visiteurs et visiteuses expérimenteront les résultats de calculs en direct dans les casques de réalité mixte.

Compétences cycle 4 Verbes du parcours de visite
Calculer Connecter, Modéliser
Chercher Inventer
Communiquer Partager
Raisonner Connecter, Partager
Modéliser Modéliser
Représenter Visualiser, Partager

En outre, nous espérons que l’espace Devenir sera source d’inspiration pour les lycéens et lycéennes. C’est en tous cas dans cette idée qu’il a été conçu, en proposant une variété de parcours et de profils.

Dans les choix des portraits (une quarantaine en tout), aussi bien dans l’espace Devenir que dans l’espace Inventer, nous avons veillé à la représentation équilibrée des femmes et des hommes. C’est une intention délibérée de contrecarrer les stéréotypes de genre, avec l’ambition de contribuer à convaincre les jeunes femmes de s’engager dans les carrières scientifiques.

 

La Maison Poincaré,
un outil pédagogique aux visées multiples

Comme on l’aura compris, la Maison Poincaré a une double ambition.

  • En direction du grand public,
    il s’agit de sensibiliser à la démarche scientifique en s’appuyant sur les raisonnements et outils mathématiques, de contribuer à lutter contre leur mésusage et à convaincre de leur importance dans la société́, en ciblant notamment les décideurs, les entreprises et les médias.
  • En direction des scolaires et des enseignant·es,
    il s’agit de contribuer à déjouer les trop nombreux blocages auxquels font face les élèves, réduire les inégalités socio-culturelles en visant spécifiquement les élèves défavorisés pour leur permettre d’être mieux armés dans leur parcours de vie, susciter des vocations pour les nombreux métiers des mathématiques, de la statistique et de l’informatique, tout en visant à contrecarrer les stéréotypes de genre et de statut social.

L’ambition de la Maison Poincaré est de travailler sur ces deux points, qui participent conjointement à changer l’image des mathématiques. En complément des visites libres ou guidées de l’exposition permanente, la Maison Poincaré proposera donc des ateliers pour les classes, des rencontres entre le public et les chercheurs et chercheuses, dans la salle de thé et le jardin, des projections-débats dans l’amphithéâtre.

Atelier ballons et Rulpidon à la bibliothèque pour une classe de terminale

 

La Maison Poincaré,
un lieu de dialogue avec les équipes enseignantes du secondaire

Cette exposition ayant comme objectif de présenter les mathématiques « autrement », « en complément de » et « en adéquation » avec ce qui est fait en classe, sa visite devrait être exploitable par les enseignant·e⋅s à des fins didactiques. Il s’agit de proposer des contenus didactiques et pédagogiques, utilisables soit « clés en mains » soit comme ressource pour des activités autour de l’exposition, après la visite ou pour la préparer, en ligne avec leurs objectifs d’apprentissage.

Des visites spéciales pour les enseignant·e⋅s et les étudiant·e⋅s se destinant à l’enseignement seront organisées, comme nous le faisons déjà pour les expositions temporaires présentées à la bibliothèque. L’objectif est tout d’abord de fournir aux professeur·e⋅s des ressources utilisables en classe : le public visé est alors celui des élèves, à qui l’on veut transmettre des savoirs et des savoir-faire au travers de leurs professeur·e⋅s. Il s’agit ensuite de contribuer à la formation continue des professeur·e⋅s, en leur proposant des moments d’ouverture, nourrissants intellectuellement : le public visé est alors celui des enseignant·e⋅s, à qui l’on veut apporter un contact avec les acteurs et actrices de la recherche en mathématiques.

Depuis son arrivée à l’IHP en janvier 2022, Élodie Cheyrou, responsable de la Maison Poincaré porte cette nouvelle aventure : co-construire avec les enseignants·es des parcours de visites adaptés aux différents niveaux scolaires, des livrets pédagogiques incluant des fiches élèves et formulaires d’évaluation, des conducteurs de médiation...

Tout au long de l’année, des groupes de travail seront constitués pour élaborer ces outils. Ce travail collectif sera mené avec des acteurs et actrices de terrain, des visites test avec les classes seront organisées entre les vacances de la Toussaint et celles de Noël afin de valider ou finaliser les parcours et outils de méditation et d’évaluation. N’hésitez pas à nous faire signe si vous avez envie de nous rejoindre !

 

La Maison Poincaré,
membre d’un réseau à découvrir sans limite

La Maison Poincaré s’inscrit au cœur d’un réseau national de « Maisons des mathématiques ». Nous travaillons de manière rapprochée avec la Maison des mathématiques et de l’informatique et avec la Maison de Fermat pour la conception d’expositions temporaires itinérantes et pour des échanges d’expérience. C’est le cas de Sous la surface, les maths, Comme par hasard et Entrez dans le monde de l’IA, exposition actuellement visible à Lyon.

N’hésitez pas à découvrir et faire découvrir ces lieux dédiés aux mathématiques, à venir visiter nos expositions dans la bibliothèque de l’IHP !

Et, en attendant l’inauguration de la Maison Poincaré, prévue début 2023, nous avons besoin de tous et toutes pour la faire connaître !

 

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Les chantiers de pédagogie mathématique n°192 avril 2022
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS