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À la découverte des pavages…
Article mis en ligne le 12 septembre 2016
dernière modification le 2 juillet 2017

Pavage ?

Un pavage est un recouvrement du plan sans espace (1) et sans chevauchement (2)

(1) Sans espace : « il n’y a pas de trou »

(2) Sans chevauchement : « les figures ne sont pas l’une sur l’autre »

Principe du carrelage, papier peint… mais sans les contraintes des bords (on part vers l’infini).

Il y a une infinité de façons de paver le plan mais les pavages les plus intéressants sont ceux dans lesquels on détecte une règle de construction et des symétries. On veut aussi que les sommets soient « contre » des sommets, et qu’on ait le même agencement autour d’un sommet quel que soit le sommet (en gros, cela signifie que si on fait du carrelage, on veut que chaque coin ne touche que d’autres coins et que si on regarde un coin, la façon dont les carreaux sont mis est la même partout.)

En maths, pour étudier un problème, on commence souvent par les cas les plus simples : ici, le pavage avec des polygones. Nous avons commencé par étudier les pavages réguliers.

Pavages réguliers

Les pavages réguliers sont les pavages formés d’un seul type de polygones réguliers

Question 1 : Avec quel type de polygones réguliers peut-on paver le plan ? (Une seule forme de polygone)

Nous avons chacun construit :

  • un triangle équilatéral inscrit dans un cercle de 3 cm,
  • un carré inscrit dans un cercle de 3 cm,
  • un pentagone inscrit dans un cercle de 3 cm,
  • un hexagone régulier inscrit dans un cercle de 3 cm,
  • et un octogone inscrit dans un cercle de 3 cm.

Pour cela, nous avons tracé un cercle de 3 cm de rayon puis nous avons utilisé le cours sur les angles au centre d’un polygone régulier.

Voici un exemple de réalisation de Raphaël (élève de 3e) :

Puis par groupe de 4, nous avons cherché avec quel type de polygone on peut paver le plan.

Nous avons trouvé qu’on peut seulement utiliser 3 types de polygones réguliers : des triangles équilatéraux, des carrés et des hexagones réguliers.

C’est bien beau les collages mais encore faut-il démontrer ce que nous avons trouvé et pensé que nous n’avons pas construit tous les types de polygones possibles !

Voici la démonstration que nous avons élaborée ensemble :

Nous nous sommes intéressés à ce qu’il se passe autour d’un sommet.

Comme nous ne voulons :

  • qu’un seul type de polygone régulier,
  • qu’il doit y avoir un nombre entier de polygones autour d’un sommet,
  • que tous les angles d’un polygone régulier ont la même mesure,
  • qu’un angle plein mesure 360°,

on en déduit que la mesure de l’angle du polygone doit être un diviseur de 360.

C’est parti pour trouver tous les diviseurs de 360 :

Comme : 360 = 1 x 360
360 = 2 x 180
360 = 3 x 120
360 = 4 x 90
360 = 5 x 72
360 = 6 x 60
360 = 8 x 45
360 = 9 x 40
360 = 10 x 36
360 = 12 x 30
360 = 15 x 24
360 = 18 x 20

Nous en déduisons que les diviseurs de 360 sont : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 15, 18, 20, 24, 30, 36, 40, 45, 60, 72, 90, 120, 180 et 360.

Eh oui ! Ça fait beaucoup !

Nous avons commencé par la fin…

Nous avons vite éliminé l’angle de 360 et 180 qui ne peuvent pas nous donner de polygone régulier.

120° est l’angle d’un hexagone régulier. Comme 3 x 120 = 360, trois hexagones juxtaposés forment un angle plein.

90° est l’angle d’un carré. Comme 4 x 90 = 360, quatre carrés juxtaposés forment un angle plein

72° ne correspond pas à l’angle d’un polygone régulier.

60° correspond à l’angle d’un triangle équilatéral. Comme 6 x 60 = 360, six triangles équilatéraux juxtaposés forment un angle plein.

Nous avons ensuite remarqué que plus un polygone a de côtés, plus la mesure de son angle est grande. (Cela s’explique par la formule du cours qui donne la mesure de l’angle d’un polygone : 360 - 180/n où n est le nombre de côtés. Plus n est grand, plus 180/n est petit et donc plus la différence sera grande.)

Donc comme nous allons dans l’ordre décroissant des mesures d’angles et que nous sommes arrivés à un triangle et qu’il n’y a pas de polygone régulier ayant moins de côtés qu’un triangle, nous pouvons conclure que nous avons trouvé tous les cas possible.

D’ailleurs, nous avions essayé avec des pentagones et octogones sans succès.

Au Palais de la Découverte, Robin (l’animateur de l’exposé « Pavages et symétrie » auquel nous avons assisté) nous l’a réexpliqué : Il nous a demandé avec quelle forme pouvons-nous faire un pavage. Nous avons brillamment répondu : triangles équilatéraux, carrés et hexagones réguliers.

Mais il était plus difficile de se souvenir pourquoi ce n’était pas possible d’en avoir d’autres…

Il nous rappelle que plus il y a de côtés à un polygone, plus son angle est grand.

Il nous a fait remarquer qu’il nous faut 3 hexagones (6 côtés) et 4 carrés (4 côtés) pour faire un angle plein. Que si on pouvait paver un plan avec un pentagone, il en faudrait donc plus que 3 mais moins que 4, ce qui n’est pas possible ! Et il a conclu comme nous avec le triangle…

Autres pavages

Robin (l’animateur du Palais de la Découverte) nous a posé d’autres questions :

Question 3 : Peut-on paver avec n’importe quel triangle ?

Après avoir réfléchi sur les triangles rectangles et les triangles isocèles, nous avons réalisé qu’en effectuant une symétrie centrale de n’importe quel triangle par rapport au milieu d’un de ses côtés, on obtient un parallélogramme. Et il est facile de paver avec des parallélogrammes.

Question 4 : Peut-on paver avec n’importe quel quadrilatère ?

On vous laisse réfléchir à cela… N’hésitez pas à faire des figures sur Geogebra…

Question 5 : Peut-on paver avec n’importe quel pentagone ?

La recherche de pavages avec des pentagones est l’objet de recherches actuelles par les mathématiciens. Elle a une histoire originale.

Mme Revellin a retrouvé l’histoire que Robin nous a racontée dans l’article de Samuel Petite dans le bulletin vert 518 de l’APMEP (p.191 à 198). En voici un extrait (p.193-194) :

En 1968, un mathématicien professionnel R.B. Kershner publie une classification de tous les pavages par des pentagones. Il les classifie en 8 familles. Le brillant vulgarisateur M. Gardner explique ce résultat dans la célèbre revue Scientific American en 1975.

Deux amateurs, Richard James III (un informaticien) et Marjorie Rice (une femme au foyer), en regardant l’article en découvrent deux de plus. Le théorème de Kerschner était donc faux !

En fait, Kerschner avait annoncé son résultat sans donner de preuve car il la jugeait longue et laborieuse. Il devait la publier quelque part, mais malheureusement ne l’a jamais fait.

Par la suite M. Rice, ainsi que d’autres personnes, ont continué à rechercher des pavages par des pentagones. Très récemment (2015) C. Mann, J. MacLoud-Mann, D. Von Derau ont trouvé, par une recherche exhaustive sur ordinateur, une autre famille de pavages par pentagones. On connait à présent 15 familles de pavages par des pentagones (image ci-dessous). On ignore si cette liste est complète, ou même finie.

Classification par les « symétries » (ou transformations)

En étudiant les pavages, nous nous apercevons que certains ont la même structure.

Mais quelle méthode trouvée pour savoir quels pavages se ressemblent ?

L’idée des mathématiciens est d’étudier leurs symétries, appelées aussi transformations.

  • Combien d’axes de symétrie a la figure de base ?
  • Quels déplacements puis-je faire avec la figure de base pour qu’avant et après le mouvement, elle ait toujours la même forme ?

Remarque : dès que la figure « tourne », il y a pas d’axe de symétrie, comme par exemple le zellige que nous avons étudiée et reproduite (voir plus loin) qui s’appelle PAJARITA.

Quand on étudie des pavages, on regarde toutes les symétries de chaque pavage et si deux pavages ont les mêmes symétries, on dit qu’ils sont de la même famille.

Les mathématiciens ont su démontrer qu’il n’existe seulement que 17 familles de pavages.

Au Palais de la découverte, nous avons vu la notation de John Conway.

Voir par exemple le site de ACL Kangourou qui permet de comprendre et de trouver la notation correspondant à un pavage.

On peut aussi adopter la notation utilisée en cristallographie. Voir par exemple, le site de Thérèse Eveilleau.

Applications

1) Les pavages du Kangourou

Pour comprendre les familles de pavages, nous avons essayé de trouver les différentes symétries des puzzles en bois « Pavages du kangourou ». Il y en a 7 représentant les 7 pavages réguliers du plan n’ayant pas de symétrie (achetés aux JN de l’APMEP à Toulouse !).

2) L’art des zelliges

a. À l’institut du Monde Arabe

Nous avons commencé la visite du musée par l’Histoire du monde arabe et de la langue arabe.

Nous avons ainsi appris que le mot « espèce » vient du mot « épice » (les épices ayant servi de monnaie d’échange aux arabes), que « cordonnier » vient de la ville de « Cordoue », que « maroquinerie » vient du « Maroc », que les arabes écrivent de droite à gauche (les premières écritures arabes étaient faites sur des pierres, et quand on est droitier, il est plus facile de graver de droite à gauche avec un marteau et un burin !)…

Nous avons surtout découvert l’art du zellige (mosaïque arabo-andalouse), héritage des mosaïques romaines. Nous avons appris que le bleu des zelliges est la couleur la plus chère, que le zelligeur construit le zellige à l’envers (ne voit pas ce qu’il fait donc il faut qu’il l’ait dans la tête !) en commençant par le centre et en respectant une certaine symétrie. Puis on scelle le tout avec du mortier.

Nous sommes ensuite passés à la pratique. La conférencière, Anne-Gabrielle, nous a proposé des modèles de zelliges et nous a confié des boîtes contenant des pièces de zelliges et au boulot !

Voici d’autres exemples :

b. L’Alhambra

Nous sommes prêts à partir à Grenade, en Espagne voir les mosaïques de l’Alhambra ! (Voir le carnet de l’élève pour une présentation rapide de l’Alhambra et le diaporama « Présentation Générale Alhambra - S. Revellin 2016 » pour quelques photos).

La légende dit que les 17 familles de pavages seraient représentées au travers de ses zelliges. Nous les avons cherchées. Il y a des pavages du sol au plafond ! Mais il n’est pas évident de les classer dans la bonne famille… Il y a aussi polémique à savoir si on tient compte des couleurs…

Nous ne sommes pas déçus ! Nous y passons la plus belle journée du voyage.

Pour apprécier quelques exemples de zelliges vus à l’Alhambra (photos prises sur place lors de notre voyage) visualiser le diaporama « Pavages Alhambra - S. Revellin 2016 ».

Nous vous laissons chercher les pavages cachés derrière ces décorations majestueuses…

Au retour, nous avons reproduit une des mosaïques que nous avons vue, elle s’appelle PAJARITA (qui signifie plus ou moins petit oiseau en espagnol). Voir un document de l’académie d’Amiens pour le programme de construction.

3) Mauris Cornelis ESCHER

Nous avons aussi étudié quelques pavages de l’artiste néerlandais Maurits Cornelis Escher (1898 – 1972), connu pour ses gravures souvent inspirées des mathématiques. Elles représentent des constructions impossibles, des explorations de l’infini, des pavages et des combinaisons de motifs qui se transforment graduellement en des formes totalement différentes.

Son œuvre expérimente diverses méthodes de pavages en deux ou trois dimensions ou représente des espaces paradoxaux qui défient nos modes habituels de représentation.

4) Stromae

Nous avons réalisé que de nombreuses pochettes d’albums du chanteur Stromae sont réalisées avec des pavages ! Les graphistes de Stromae s’en sont donnés à cœur joie ! On les retrouve aussi sur ses vêtements.

5) La Géode – Pavage dans l’espace

Vous pouvez admirez un exemple de pavage à base de triangles en 3D à la Géode ! Mais il est compliqué de paver une sphère donc on a un peu triché…

Conclusion

Nous avons encore appris plein d’autres choses :

  • Que ses pavages sont périodiques (se répètent)
  • Qu’il existe des pavages quasi-périodiques, comme le pavage de Penrose
  • Que tous ces pavages se sont révélés très utiles lors de l’étude des cristaux et des quasi-cristaux. La science qui étudie les cristaux s’appelle la cristallographie. La cristallographie a de multiples applications en biologie, en médecine, dans la technologie (par exemple dans les écrans plats)…

Les pavages n’ont pas encore tous livré leurs secrets donc n’hésitez pas à explorer le domaine, peut-être remporterez-vous la médaille Fields un jour…

Quelques extraits de carnets de voyage d’élèves :

Contact :
Si vous avez des questions, des remarques ou si vous voulez plus de renseignements, n’hésitez pas à me contacter : revellin_prof chez hotmail.fr

Remerciements :
Je profite de cet article pour remercier :

  • l’APMEP nationale et ses régionales pour tout leur travail, notamment les publications et l’organisation des journées nationales et tous les intervenants qui sont source d’idées et de dynamisme,
  • le Palais de la Découverte et l’IMA pour leur accueil, ils contribuent à rendre les mathématiques plus vivantes pour des élèves de collège, trop souvent démotivés,
  • Monsieur Nugue, mon principal, Madame Dupuis, la gestionnaire de mon collège,
  • les élèves pour leurs retours très positifs et leur travail,
  • Natacha (infirmière) et Jérémy (COP) qui nous ont accompagnés dans ce projet maths/espagnol et découverte des métiers. Que de souvenirs !

Et surtout :

  • la régionale APMEP Île de France pour leur soutien et l’aide financière pour la réalisation de la sortie Palais de la Découverte / IMA (mon chef était aux anges !)
  • et ma chère collègue d’espagnol Maité Phelippeau sans qui rien de tout cela n’aurait été possible !

Et tous ceux que j’ai rencontrés qui m’ont soutenue et fait évoluer dans ce projet.

Bibliographie :

  1. « Le monde des pavages », ACL Les éditions du Kangourou
  2. Magazine Accromath, http://accromath.uqam.ca/sujet/pavages/ (attention, je pense qu’il y a quelques erreurs dans l’article mais c’est expliquer simplement et très intéressant)
  3. Bulletin vert de l’APMEP n°518 p.191-198 « Pavages et quasi-cristaux »
  4. Magazine Tangente n°99, Juillet-Août 2004, « L’art des pavages »
  5. Site de Thérèse Eveilleau
  6. Pavage et autres pages de wikipédia
  7. 5 frises sur les pavages de ACL Les éditions du kangourou
  8. Puzzles « Les pavages du kangourou » de ACL Les éditions du kangourou
  9. « Histoire des arts – L’Alhambra, Grenade » par l’académie d’Amiens
  10. « L’Alhambra et Grenade vues de près » Édition Édilux
  11. L’œuvre graphique, MC Escher
  12. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurits_Cornelis_Escher
  13. http://mcescher.frloup.com/affichediapo.php?cat=6
  14. Site du Palais de la découverte exposition symétrie

Intéressant à lire aussi (mais que je n’ai pas encore exploité…) :

  1. « Raconte-moi le zellige » de Nadia Ben Moussa Éditions La croisée des chemins
  2. Zoo mathématique ACL Les éditions du kangourou
  3. « Maths et arts » APMEP Lorraine Mars 2008
  4. « Des Mathématiques dans de bien belles choses » APMEP Lorraine (Brochure APMEP n°1004)
  5. http://images.math.cnrs.fr/Prix-Nobel-de-chimie-quasi-cristaux-periodicite-et-pavages-de-Penrose.html
  6. http://images.math.cnrs.fr/Pavages.html
  7. « L’art des motifs islamiques Mode d’emploi » d’Eric Broug Éditions Pyramid
  8. http://debart.pagesperso-orange.fr/college/pavage.html

Et bien d’autres livres ou sites que je n’ai pas cités…

Sophie Revellin

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Les chantiers de pédagogie mathématique n°170 septembre 2016
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS