Les classes préparatoires TSI
Les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), cette « spécificité française », sont souvent décriées dans la presse. On leur reproche d’être trop élitistes, réservées à une classe sociale qui n’a pas besoin de cet avantage supplémentaire, d’insister sur la masse des connaissances à ingurgiter en deux ans plutôt que sur le recul nécessaire pour assimiler des notions abstraites.
J’enseigne les mathématiques dans une classe préparatoire depuis dix ans et s’il est une filière qui contredit et dépasse tous ces clichés, c’est bien la filière TSI (Technologie et Sciences Industrielles).
La classe préparatoire TSI est exclusivement réservée aux élèves issus de STI2D [1] et de STL [2], des « bacs technos », dans lesquels les profils sont très variés. On y trouve des élèves considérés en échec scolaire au collège ou en seconde et orientés en « techno » parce que la filière générale « n’était pas pour eux », mais aussi des enfants d’ingénieurs et de profs qui connaissent cette filière et qui savent, eux, qu’elle est riche.
Riche, cette filière ne l’est pas que par la diversité des étudiants, elle l’est aussi par la diversité des enseignements qui y sont dispensés. Ces classes sont souvent choyées dans les lycées, avec des effectifs légers, contrairement à ce que l’on peut constater dans d’autres CPGE. Les établissements proposent souvent des dédoublements en cours d’anglais par exemple, au-delà de ce que demandent les textes officiels.
Chaque année, les professeurs de CPGE TSI prennent leur bâton de pèlerin pour aller présenter cette orientation dans les lycées de leur bassin de recrutement. Les obstacles les plus fréquemment rencontrés sont la méconnaissance de cette poursuite d’étude et l’autocensure. Beaucoup d’élèves des premières et terminales STI2D et STL ignorent en effet jusqu’à l’existence de cette classe préparatoire qui leur est réservée et lorsqu’ils en connaissent l’existence, ces jeunes pensent que ce n’est « pas pour eux ».
La proportion d’élèves boursiers dans ces classes est du même ordre, voire supérieure à ce que l’on constate à l’université, dépassant par exemple les 30 % dans ma classe en règle générale. Cette CPGE TSI est donc un réel ascenseur social trop peu connu.
Ma carrière dans cette filière passionnante est parsemée d’étudiants généreux et reconnaissants. Certains sont passés par une année de bac professionnel puis ont été réorientés en STI2D, ce sont souvent des parcours atypiques et réjouissants. Nombre de ces jeunes étudiants ou jeunes salariés viennent chaque année nous présenter leurs parcours après la prépa, et une réussite qu’ils n’auraient pas espérée quelques années plus tôt. Si les professeurs se donnent beaucoup, avec passion, dans cette formation, il faut aussi reconnaître qu’ils reçoivent beaucoup de ces étudiants en retour.
Le confinement et la mise en place d’outils de travail à distance
C’est dans ce contexte que dans mon établissement, le lycée Jean Perrin de Saint-Ouen-l’Aumône, nous avons vécu le premier confinement. Ce lycée est géographiquement excentré, dans la zone industrielle du Vert Galant. Les élèves et étudiants qui y travaillent ont, pour la plupart, des temps de transports importants. C’est un lycée de bonne taille, avec son millier d’élèves, des étudiants en BTS en Bac Pro et en CPGE TSI.
Dans cet établissement, j’ai aussi la charge du réseau informatique pédagogique depuis une vingtaine d’années. Dès mes débuts dans cette fonction, j’ai utilisé la solution SambaÉdu et participé ensuite à son développement avec une joyeuse équipe. Cette solution de serveurs pédagogiques a été créée par notre collègue Olivier Lécluse, dont la disparition brutale en septembre 2020 nous a tous laissés orphelins.
Pour faire face au confinement et mettre en place des solutions pour les utilisateurs des serveurs SambaÉdu, nous avons intégré deux services majeurs qui nous ont permis d’organiser, autant que faire se peut, un suivi de nos classes « à distance ».
Un serveur de visioconférence
L’équipe de développement de SambaÉdu s’est rapprochée de la solution BigBlueButton qui propose une solution de serveur de visioconférence sous licence libre. Nous avons travaillé à la gestion de salons de visioconférences depuis les serveurs SambaÉdu, gestion basée sur des serveurs BigBlueButton. Cette solution nous permet d’organiser, de façon déconcentrée et totalement sécurisée, des rendez-vous avec nos classes pour assurer un suivi à distance. Déployée aujourd’hui dans plusieurs établissements, l’intégration de BBB à SambaÉdu permet l’équilibrage de charge entre plusieurs serveurs de visioconférences et l’Association SambaÉdu propose d’accompagner les établissements dans leur mise en place.
La problématique des cours à distance, tout particulièrement en mathématiques, est pointue. S’il est facile de diffuser des documents, de les commenter, de répondre aux questions des élèves, il est difficile d’écrire des maths dans une zone de texte, et encore plus difficile d’y faire écrire les élèves ! Pour qui s’est risqué à utiliser un tableau blanc numérique à la souris, inutile de préciser son aspect laborieux et son résultat décevant. C’est uniquement muni d’une petite tablette graphique que cela est concevable et reste malgré tout un pis-aller.
Un serveur d’accès aux ordinateurs du lycée
Le deuxième service mis en place et qui a permis aux étudiants de travailler, est la possibilité de prendre en main, à distance, des ordinateurs du lycée.
En effet, aucun étudiant ne dispose chez lui des licences d’utilisation des logiciels commerciaux qu’ils utilisent au lycée et qui sont souvent très chers. Parmi ces logiciels, on compte Solidworks et MatLab par exemple, mais aussi des ordinateurs connectés à des machines numériques et dotés de logiciels spécifiques.
L’équipe de SambaÉdu a donc intégré la solution Apache Guacamole à SambaÉdu, ainsi et uniquement à l’aide d’un navigateur web, un utilisateur peut allumer un poste de l’établissement, y ouvrir sa session et utiliser les logiciels qui y sont installés.
Du côté des étudiants
Quelles que soient les qualités et la puissance des solutions proposées, le confinement a été pour nos étudiants une période extrêmement difficile. Certes, certains jeunes se sont révélés derrière leur écran, plus qu’ils ne l’auraient peut-être fait au tableau, mais rien ne remplace l’échange en direct, le contact que nous avons avec nos élèves. Beaucoup de leurs incompréhensions nous échappent à distance.
Les résultats des concours 2020 pour ma classe ont été plutôt décevants, outre le temps perdu, le stress généré par la crise sanitaire ajouté aux complications de l’organisation des concours (changement de lieux des écrits, annulation des oraux…) a pesé lourd.
Cependant, au pays de Descartes et Voltaire, il ne faut renoncer ni au doute, ni à l’analyse, ni à la recherche. S’il faut bien sûr souhaiter que l’enseignement en présentiel reprenne toute sa place et son humaniste façon de transmettre un savoir, il faut aussi anticiper les prochaines crises afin de permettre à tous d’accéder à cette filière et d’y réussir.
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