par Le Comité de la Régionale, Cécile Prouteau
Une conjonction, une activité
Vous vous souvenez peut-être de la conjonction qui, en Novembre dernier, nous a donné l’occasion d’observer une "Super Lune". Notre collègue Cécile Prouteau s’est emparée de cette occasion pour y intéresser ses collégiens.
À partir d’un article à ce sujet extrait du site du nouvel observateur , elle a travaillé différents objectifs : accès au sens global d’un article scientifique, compréhension du mouvement Terre-Lune-Soleil, modélisation mathématique du mouvement. Elle a fourni aux élèves l’article tel qu’il était paru , assorti de deux questions très ouvertes, permettant discussion et mise en œuvre à différents niveaux (voir le document pour les élèves en téléchargement).
Cette activité ambitieuse a le mérite de pouvoir se décliner à des "profondeurs" différentes, de la simple initiation à la lecture d’un texte scientifique destiné au grand public jusqu’à la compréhension précise des affirmations de l’article et à leur validation.
Voici la fiche résumée que nous a transmise Cécile sur le déroulement de cette activité. Soyons honnêtes avec nos lecteurs : quand vous aurez pris connaissance de cet article, une immense déception vous attend ! En effet, le phénomène ne se reproduira pas avant 2034. Cela vous laisse le temps de peaufiner l’activité… Mais rien ne vous empêche d’ici là de vous inspirer de l’état d’esprit de cette activité pour en imaginer du même type, autour de l’actualité scientifique du monde qui nous entoure.
Niveaux : de la 6e à la 3e
- À partir de la 6e : Lecture de l’article. Mouvement des planètes. Cercle, Ellipse. Notion de période de révolution. Ordre de grandeur du rayon de la terre, du rayon de la lune, de la distance terre-lune, distance terre-soleil. Échelle.
-* À partir de la 5e et début de 4e : Vitesse de révolution ; Modélisation luminosité proportionnelle à l’aire observée ; Augmentation en pourcentage de l’aire d’un disque quand le diamètre augmente d’un pourcentage donné ; Variable et calcul littéral pour vérifier qu’un résultat est toujours vrai.
-* À partir de la fin de 4e et début de 3e : Modélisation du phénomène d’agrandissement apparent de la lune. Utilisation du théorème de Thalès.
Mise en œuvre
L’article est donné à lire aux élèves.
– En 6e, après une lecture individuelle, on leur demande d’expliquer le phénomène en groupe classe. Au tableau, on peut construire avec une ficelle un cercle et une ellipse. On leur demande la période de révolution de la terre autour du soleil, de la lune autour de la terre, les ordres de grandeurs du rayon de la terre, du rayon de la lune, de la distance terre-lune.
On peut également demander aux élèves de représenter la situation en choisissant une échelle adaptée sur leur cahier pour une distance terre-lune de 360 000 km. Bien entendu c’est compliqué. Si on prend comme distance terre-lune 29 cm c’est-à-dire à peu près la longueur d’une feuille A4, le rayon de la lune est inférieur à 1,4 mm et celui de la terre moins de 5 mm. Cela donne une idée des dimensions de ce système. On peut ensuite leur demander où se trouverait le soleil sur le schéma sachant qu’il se trouve à environ 150 000 000 de km de la terre : 12 083 cm soit à peu près 121 m. Le but est de leur faire prendre conscience des grandeurs dans le monde qui les entoure.
- Dans les autres niveaux, les élèves doivent répondre aux questions posées. Travail individuel pour la lecture puis 15 minutes de recherche individuelle avant début d’un travail de groupe. Rédaction individuelle à la maison si elle n’est pas terminée en classe. Une heure de recherche en classe maximum par question.
Questions et pistes de correction
a) Les informations données sur les pourcentages d’augmentation en diamètre apparent et en luminosité vous semblent-ils cohérents ? Justifiez votre réponse.
Cette question est destinée aux élèves de la 5e à la 3e et utilise les calculs et les applications de pourcentages. Prérequis : savoir calculer l’aire d’un disque, savoir appliquer un pourcentage (savoir le calculer peut être utilisé mais n’est pas indispensable).
Il y a deux points à vérifier :
- La différence est importante : la plus grosse pleine lune a un diamètre apparent 14% plus important et une luminosité 30% plus intense que la plus petite pleine lune.
- Par rapport à une pleine lune "moyenne", la différence sera de 7% en diamètre, et 16% en luminosité.
Hypothèse à formuler : la luminosité observée est proportionnelle à l’aire observée.
Quel que soit le niveau, il est difficile de démarrer directement avec du calcul littéral d’autant plus que l’on se concentre ici sur un cas particulier.
Certains prennent des mesures sur la photo du Galileo Project de la Nasa qui se trouve dans l’article. Ils peuvent vérifier l’augmentation en diamètre de 14% et en aire de 30% après les avoir calculées. Encore faut-il préciser qu’il y a un facteur d’échelle entre la photo et ce que nous voyons mais que le rapport d’agrandissement est conservé.
On peut conseiller aux élèves plus en difficulté de vérifier ce qui se passe avec un disque de rayon 2 cm en les aiguillant plus ou moins sur les étapes suivantes :
- Le calcul de l’aire d’un disque de rayon 2 cm
- Le calcul du rayon du disque dont le diamètre est agrandi de 14 %
- Les calculs de l’aire agrandie avec le nouveau rayon et par augmentation de 30%. Comparaison.
Dans ce cas, les résultats correspondent. Il est intéressant de faire remarquer que cela ne suffit pas pour conclure quant à ce qui se passe avec la lune.
À eux de reproduire la démarche pour l’augmentation de rayon de 7% et l’augmentation d’aire de 30%.
Dans ce cas, les résultats obtenus ne correspondent pas.
Une fois ces points travaillés, on peut passer à la généralisation en prenant une variable $ R$ pour le rayon. On nommera $ \mathscr{A}_1$ l’aire du disque de rayon $ R$ et $ \mathscr{A}_2$ l’aire du disque dont le rayon a été augmenté
- Premier cas $ \mathscr{A}_1$=${\pi}R^2$ et $ \mathscr{A}_2$=$={\pi}(R\times1,14)^2$≈${\pi}R^2\times1,3$ soit $ \mathscr{A}_1\times1,3$ cohérent avec les 30% d’augmentation d’aire. Ceci semble conforter notre hypothèse que l’aire observée est proportionnelle à la luminosité.
- $ \mathscr{A}_1$=${\pi}R^2$ et $ \mathscr{A}_2$=${\pi}(R\times1,07)^2 \approx {\pi}R^2\times1,145$ soit $ \mathscr{A}_1\times1,145$ ce qui correspond à une augmentation d’aire de 14,5% au lieu de 16% annoncés dans l’article. Le résultat diffère mais les ordres de grandeurs restent les mêmes. Si les valeurs numériques données dans l’article sont correctes, on peut en conclure que l’aire observée et la luminosité ne sont pas proportionnelles mais que cette simplification du problème donne des résultats qui restent néanmoins raisonnables puisque l’erreur relative est inférieure à 10% (1,5×100÷16).
On remarque que le coefficient d’agrandissement de l’aire correspond au coefficient d’agrandissement du rayon élevé au carré.
b) L’article annonce « un diamètre apparent de 14% plus important ». Le pourcentage annoncé est-il raisonnable ? Justifiez votre réponse.
Cette question est destinée aux élèves de la fin de 4e à la 3e et utilise le théorème de Thalès.
Schématisons la situation. Le schéma ci-dessous n’est volontairement pas à l’échelle pour être lisible.
Il est possible de le construire avec des curseurs sur Geogebra (voir l’archive Geogebra en téléchargement) pour aider les élèves à comprendre le phénomène en faisant varier la distance terre-lune (Observation de l’évolution de $ E_2E′_2$ quand $ L_2$ se déplace sur l’axe).
L’observateur est en $O$ et le centre de la Lune en $ L_1$ quand la lune est au périgée et en $ L_2$ quand la lune est à l’apogée.
On peut considérer comme négligeable le rayon de la terre ($ R_T \approx$6 371 km) devant la distance Terre-Lune qui varie entre 360 000 km et 405 000 km.
$ S_1S′_1$ et $ S_2S′_2$ sont des diamètres de la lune pour chaque position. $E_1E′_1$ et $E_2E′_2$ représentent les diamètres du disque que voit l’observateur (c’est le plan dans lequel la mesure est prise).
On a donc $OL_1\approx$360 000 km, $ OL_2\approx$405 000 km, $ L_1S_1$ et $ L_2S_2$ valant le rayon $ R_L$ de la lune ($ R_L\approx$1 737 km inutile ici). ($ E_1E′_1$), ($ S_1S′_1$) et ($ S_2S′_2$) sont perpendiculaires à ($= OL_2$) respectivement en $ E$, en $ L_1$ et $ L_2$ donc elles sont parallèles entre elles.
On a donc deux situations de Thalès : une dans le triangle $ OL_1S_1$ et l’autre dans le triangle $ OL_2S_2$. On en déduit les deux séries d’égalités suivantes : $ \dfrac{OE}{OL_1}=\dfrac{OE_1}{OS_1}=\dfrac{EE_1}{L_1S_1}$ et $ \dfrac{OE}{OL_2}=\dfrac{OE_2}{OS_2}=\dfrac{EE_2}{L_2S_2}$
et on en déduit $ \dfrac{OE}{360 000}=\dfrac{EE_1}{R_L}$ et $ \dfrac{OE}{405 000}=\dfrac{EE_2}{R_L}$ et par suite $ EE_1=\dfrac{OE \times R_L}{360 000}$ et $ EE_2=\dfrac{OE \times R_L}{405 000}$
Aucune de ces égalités ne permet de calculer $ EE_1$ et $ EE_2$ mais on peut calculer le rapport : $ \dfrac{EE_1}{EE_2}=\dfrac{\dfrac{OE \times R_L}{360 000}}{\dfrac{OE \times R_L}{405 000}}=\dfrac{405}{360}\approx1,125$
Cela correspond à un pourcentage d’augmentation de 12.5% et pas de 14%. Encore une fois l’erreur relative par rapport aux données de l’article est d’environ 10%. L’ordre de grandeur du résultat est correct et on peut considérer ce résultat comme acceptable étant donné nos approximations.
Conclusion
Cette activité a été proposée sous différentes formes à 4 niveaux, le matin d’avant la super lune. Dans l’ensemble les élèves ont été très actifs et ont apprécié le côté actuel et vivant de l’activité. Pour certains, les calculs ont posé problème mais ils se sont accrochés.
Un complément par les enseignants de sciences est à envisager. Cette activité pourrait être intégrée dans un EPI maths-sciences autour de l’astronomie.
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS