« L’erreur est humaine. » Qui n’a jamais entendu cette phrase lors de son existence ? L’erreur est dans la vie quotidienne d’une affligeante banalité : elle est perçue comme un certain acte de l’esprit, une faute, ou bien encore comme une maladresse. On n’hésite pas à répéter qu’il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent pas…
Pourtant l’erreur dans l’enseignement est encore quelque chose de très stigmatisant et qui pose de nombreuses questions. Beaucoup d’élèves ont peur de se tromper, il suffit de voir leurs angoisses lors des évaluations ou encore lors de la réalisation d’exercices. Nombre d’entre eux préfèrent ne rien faire plutôt que de commettre des erreurs et se protègent en disant qu’ils n’ont pas compris l’exercice. Ne parlons même pas de l’habitude prise d’effacer toutes les traces de recherche et potentiellement d’erreurs afin que sur la copie ne figure que le résultat exact. Quel enseignant dans sa carrière n’a pas vu sur la copie d’un élève la bonne démarche rayée ? Malgré des efforts constants des politiques éducatives, cela reste encore majoritairement le cas.
L’un de nos objectifs, en tant qu’enseignant, est de permettre aux élèves de s’engager dans la scolarité en apprenant à réfléchir, à mobiliser des connaissances, à choisir des démarches et des procédures adaptées, pour penser, résoudre un problème, réaliser une tâche complexe ou un projet, en particulier dans une situation nouvelle ou inattendue et, pour cela, il est nécessaire qu’ils apprennent de leurs erreurs et sachent y faire face. Si nous ne travaillons jamais de cette manière, comment vont-ils pouvoir apprendre ?
Comme le dit si bien Cédric Villani dans son roman « Le Théorème Vivant », un mathématicien est comme un enquêteur. Il va essayer de répondre à l’énigme en émettant des hypothèses à partir des preuves en sa possession, se tromper, reprendre ses recherches et finir par résoudre son énigme. C’est en cela que le traitement de l’erreur est à mon avis essentiel en mathématiques.
Le travail à partir de l‘erreur des élèves est quelque chose de complexe car l’enseignant doit avoir suffisamment de recul sur sa pratique mais également sur les notions enseignées pour pouvoir l’anticiper ou travailler à partir de celle-ci. Il y a bien de nombreux ouvrages qui traitent de la question de l’analyse et du traitement de l’erreur mais aucun ne donne véritablement des pistes pour travailler ce point précis. Quelles erreurs sont intéressantes à utiliser ? Le sont-elles toutes ? Comment faire ? Doit-on toujours corriger les erreurs ?
La verbalisation et la métacognition sont des réponses de nombreux didacticiens ou chercheurs en science de l’éducation. Oui, mais cela ne me dit toujours pas comment moi je fais ou dois faire ! Il aurait été trop simple qu’il existe un manuel des erreurs en mathématiques et suivant tel type d’erreur on procède de telle manière. De toute façon, pour comprendre l’erreur d’un élève il faut pouvoir comprendre sa démarche. Parfois les élèves eux-mêmes ne peuvent pas expliciter leur démarche car, pour eux, elle est évidente.
Pour travailler à partir de l’erreur des élèves il faut aussi instaurer un cadre qui permet de le faire, où les élèves n’ont pas peur de se tromper et où l’erreur n’est pas une faute honteuse mais un élément indispensable pour progresser. Le regard des autres a toujours eu un rôle très important pour chacun et par conséquent, il faut construire ce cadre qui autorise l’erreur.
Moi, je dis dès le début de l’année à mes élèves que parfois je me trompe et que l’ « erreur est humaine ». Cela rend celle-ci moins stigmatisante puisque même l’enseignant fait des erreurs mais cela ne règle en rien le problème de confiance des élèves dans leur travail. C’est un chemin long pour arriver à faire accepter aux élèves que l’erreur est possible et qu’elle est source d’information pour progresser. J’ai affiché dans ma salle cette phrase de André Scala : « L’erreur n’est pas l’ignorance, on ne se trompe pas sur ce qu’on ne connaît pas, on peut se tromper sur ce qu’on croit connaître. Un élève qui ne sait pas additionner ne fait pas d’erreurs d’addition et celui qui ne sait pas écrire ne commet pas de fautes d’orthographe. C’est une banalité. Toute erreur suppose et révèle un savoir. »
De nombreux outils peuvent être utiles pour travailler l’erreur tel que les exerciseurs, les applications comme Kahoot, Plickers, Socrative… Il ne faut pas oublier la programmation, où l’on peut travailler par essai-erreur et, par conséquent, mettre en évidence l’importance de l’erreur. Et lorsque l’on a la chance comme moi d’avoir une visionneuse dans sa classe, on peut utiliser les écrits des élèves. On peut également parler du journal des erreurs : il permet de travailler à partir des erreurs dans les évaluations des élèves et de les faire se questionner sur les origines de leurs erreurs. Mais le plus important pour traiter les erreurs sont les gestes professionnels que l’on a acquis. Laissons la place aux erreurs dans nos cours et par divers processus utilisons-les comme outils d’apprentissage.
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