Je garde une pensée émue pour ce qui est, dans ma mémoire, le premier livre de mathématiques que j’ai lu . Il était disponible chez mon oncle et ma tante de Marseille et je l’ai lu, et relu, un nombre incalculable de fois, lorsque nous allions passer nos dimanches après-midi chez mes cousins du Corbusier, "la maison du fada".
Ce livre avait une couverture cartonnée rouge et son titre était : "Découverte des mathématiques" aux Éditions des deux coqs d’or. Son auteur était Irving Adler et il était magnifiquement illustré par Lowell Hess. Et sans oublier la traductrice Denise Meunier.
Le contenu était constitué d’une quarantaine d’articles allant d’une page à trois pages, articles très variés dont les titres invitaient au voyage. En voici quelques uns : "mathématiques et civilisation", "la forme des nombres", "lapins, plantes et nombre d’or", "des lettres au lieu des nombres", "navigation", "fini et infini",… Tous ces articles étaient largement illustrés, illustrations en forte résonance avec le thème et le texte de l’article.
Un des articles qui m’attiraient le plus parlait de la forme des nombres : j’y ai appris comment on pouvait les mettre en rectangles, en carrés et lorsque cela n’était pas possible, c’est que le nombre était premier. Irving Adler expliquait aussi dans cet article comment trouver tous les nombres premiers à l’aide du crible d’Ératosthène, crible illustré par Lowell Hess ; et, encore aujourd’hui, lorsqu’on me parle du crible d’Ératosthène, j’ai cette image qui apparaît…
Dans un autre article, les nombres prenaient d’autres formes : triangles, cubes, pavés… Tout cela me montrait que les mathématiques étaient un domaine largement plus vaste que ce qui m’était enseigné à l’école.
Dans l’article final, "les mathématiques dans le monde moderne", étaient mis en évidence, dans les illustrations, des équations mystérieuses que je ne savais pas déchiffrer et, par conséquent, qui m’intriguaient : les équations de Maxwell, formées de lettres, du signe = et d’autres qui m’étaient inconnus.
J’ai d’ailleurs toujours été émerveillé et attiré par ces mystères lorsque je me trouvais devant un tableau ou une page comportant des phrases écrites à l’aide de signes qui m’étaient inconnus. Et chaque fois que je rentrai dans une salle de classe, c’était un moment appréciable si le tableau se parait encore des écritures du cours précédent, écritures indéchiffrables et éphémères qu’un coup d’éponge renvoyait dans les limbes. C’était une promesse de découvertes à venir.
Je retrouvais cet émerveillement lorsque, parfois, une de mes cousines qui était étudiante en mathématiques à la fac Saint-Charles (à Marseille) nous montrait ses cahiers dont les pages étaient remplies de ces signes : elle nous en lisait des passages et c’était des instants magiques.
Ce livre, sans aucun doute fondateur de mon intérêt pour les mathématiques, aurait pu rester une évocation plus ou moins floue dans ma mémoire, ce qui fût le cas pendant de nombreuses années, et vous vous demandez comment je peux en parler encore maintenant avec autant de précisions. Eh bien je le dois à la rencontre avec une de mes collègues de français, grande amatrice de mathématiques, avec laquelle nous avons souvent monté des projets passionnants associant nos deux disciplines : elle m’a fait cadeau d’un livre de sa bibliothèque personnelle et, oh ! surprise !, c’était mon premier livre de mathématiques, souvenir impérissable de mon enfance et de ma collègue : un beau cadeau, non ?
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