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Pourquoi effectuer d’abord ce qui est entre parenthèses ?
Article mis en ligne le 29 juin 2020
dernière modification le 11 août 2023

par Sueli Cunha, Jaime Velasco

Le laboratoire de recherche brésilien MateGramátíca, coordonné par Sueli Cunha et Jaime Velasco, professeur⋅e⋅s adjoint⋅e⋅s à l’Université de l’État du Rio de Janeiro (UERJ) au Brésil, a pour but « de préciser les éléments de la Grammaire du Langage Mathématique ».

Autrement dit, identifier les caractéristiques du Langage Mathématique comme véritablement un langage, avec son alphabet, ses règles de syntaxe, sa ponctuation, la formation des "mots" et l’interprétation des expressions mathématiques, ainsi que leur synonyme, entre autres caractéristiques.

Vous pourrez aussi lire Comprendre le langage mathématique, article paru dans Au fil des maths n°528 avril-mai-juin 2018. »

 

Le PEMDAS

Lors de l’apprentissage des opérations élémentaires, on nous apprend un critère qui détermine l’ordre d’exécution des opérations figurant dans des expressions mathématiques, décrites pas une chaîne d’opérations : le PEMDAS. Ce critère dit qu’il faut d’abord « effectuer celles qui sont à l’intérieur des Parenthèses, suivis des Exposants, ensuite des Multiplications et des Divisions (de la gauche vers la droite) et, finalement des Additions et des Soustractions (de la gauche vers la droite) ».

C’est une convention qui nous est présentée, la plupart du temps, sans aucune explication ou justification. Le but de cet article est d’expliciter la première partie de cette procédure : « pourquoi effectuer d’abord ce qui est entre parenthèses », car c’est ce qui pose le plus de problème, c’est-à-dire « n’a pas d’explications ».

Le critère « ordre de la gauche vers la droite » et celui des autres priorités (EMDAS) permettent la clarté d’une expression écrite, c’est-à-dire sans bruits qui pourraient rendre difficile sa compréhension.

 

Opérations et opérandes

Les opérations élémentaires (addition, soustraction, multiplication et division) sont des opérations binaires, c’est-à-dire qu’elles décrivent des « actions » sur des éléments dénommés opérandes. En langage mathématique, ces opérations s’écrivent en utilisant les noms des valeurs à traiter, séparés par un mot qui décrit l’opération en question. Une addition, par exemple, de deux valeurs constantes inconnues (nommées respectivement par $a$ et $b$ ) s’exprime (en français) par « la somme de $a$ et $b$ », et s’écrit en langage mathématique « $a+b$ » ; le mot « $+$ » signifiant addition.

Or, quand on a une chaîne d’opérations, que doit-on comprendre ? De quelle opération il s’agit ? Le critère PEMDAS permet de répondre à ces questions.

Le groupe d’études MateGramátíca est en train de regarder ces questions, du point de vue grammatical du langage mathématique. Néanmoins, comme déjà dit, on s’occupe ici des parenthèses et on respectera donc les autres priorités.

Ainsi, « la somme de quatre et du produit de trois par cinq » s’écrit $4 + (3 \times 5)$ ; en effet, c’est une somme de deux termes : $4$ et $3 \times 5$ . On doit, en principe, faire une ponctuation pour mettre en évidence l’un des termes (le deuxième) de l’addition, dont la valeur est présentée par un de ses identificateurs (sous la forme d’une locution). Cependant, de part la priorité de la multiplication sur l’addition, cette ponctuation peut être omise ; c’est-à-dire $4 + 3 \times 5$ et $4 + (3 \times 5)$ sont des expressions synonymes, car elles ont la même signification (la première étant plus claire, sans bruit).

En revanche, pour exprimer en langage mathématique « le produit de la somme de quatre et trois, par cinq », il faut écrire $(4+3) \times 5$ car la ponctuation cette fois-ci met en évidence l’un des termes (en l’occurrence, le premier) de la multiplication, dont la valeur est présentée également par un de ses identificateurs, sous la forme d’une locution.

En résumé, quand on dit « il faut d’abord effectuer ce qui est dans les parenthèses », en vérité on veut dire que « il faut d’abord déterminer la valeur de (au moins un) opérande(s), exprimé(s) par un identificateur ».

Ainsi, lorsque l’on est face à une expression arithmétique à résoudre, il faut d’abord comprendre de quoi il s’agit (c’est-à-dire ce que l’on veut calculer), toujours en observant que les opérations élémentaires sont binaires.

 

Analyse de quelques expressions

Comme illustration, on va analyser quelques expressions, en commençant par des expressions simples, qui n’ont pas besoin d’une ponctuation :

  1. $4 \div 3 \times 5$
    Des opérations ayant la même priorité sont résolues dans « l’ordre dans lequel elles apparaissent, de la gauche vers la droite » ; ainsi, cette expression est synonyme de $(4 \div 3) \times 5$ ; il s’agit donc du « produit du quotient de quatre par trois, par cinq ».
     
  2. $4 / 3 \times 5$
    Le mot « $4 / 3$ » est une autre façon (« linéaire ») de représenter un quotient, normalement écrit comme $\dfrac{4}{3}$ ; c’est donc une valeur résultante d’une opération de division (à savoir $4 \div 3$). Ainsi, $4 \div 3 \times 5$ signifie le « produit du quotient de quatre par trois, par cinq ».
     
    Il est intéressant remarquer que $4 \div 3 \times 5$, $(4 \div 3) \times 5$, $\dfrac{4}{3} \times 5$ et $4 / 3 \times 5$ sont des expression synonymes.
     
  3. $8-3+2$
    Comme ce sont deux opérations ayant la même priorité, on utilise le critère « l’ordre dans lequel elles apparaissent, de la gauche vers la droite » ; ainsi, cette expression est synonyme de $(8-3)+2$ ; cela signifie donc la « somme de la différence de huit et trois, et deux ».
     
  4. $8+3+2$
    Cette expression indique que l’on veut déterminer la valeur d’une somme successive de $8$, $3$ et $2$ En utilisant le critère de « l’ordre dans lequel elles apparaissent, de la gauche vers la droite », elle indique la « somme de la somme de huit et trois, et deux » ; elle est donc synonyme de $(8+3)+2$
     
    Néanmoins, l’addition est une opération associative ; c’est-à-dire que lorsque l’on veut déterminer la valeur d’une somme successive de plusieurs termes, l’associativité est une propriété qui indique que « des termes voisins peuvent être regroupés par deux (sans changement d’ordre entre eux), sans pour autant changer la valeur du résultat final ».
     
    Par conséquent, $(8+3)+2$ est équivalent à $8+(3+2)$ (même que cette dernière signifie la « somme de huit et la somme trois et deux »).
     
    Il en va de même pour la multiplication, une opération également associative. Par exemple, le produit successif de $4$ par $3$ et par $5$ (qui s’écrit $4 \times 3 \times 5$ ) est synonyme de $(4 \times 3) \times 5$ par le critère « de la gauche vers la droite » (signifiant le « produit du produit de quatre par trois, par cinq »).
     
    Par l’associativité de la multiplication, $(4 \times 3) \times 5$ est équivalent à $4 \times (3 \times 5)$ (c’est-à-dire le « produit de quatre par le produit de trois par cinq »).
     
  5. $8-3-2$
    Par analogie à l’item antérieur, cette expression peut être comprise comme une « succession de soustractions ». En observant le critère « de la gauche vers la droite », elle est synonyme de $(8-3)-2$
     
    Cependant, la soustraction n’est pas une opération associative et $(8-3)-2$ ne résulte pas à la même valeur que $8-(3-2)$ En effet, la première, $(8-3)-2$, indique que « on a à enlever (soustraire) trois de huit ; puis, de ce qui a resté (la différence), on a encore à enlever (soustraire) deux ».
     
    On a donc à enlever, en tout, $3+2$ ; ce qui s’écrit, en langage mathématique, $8-(3+2)$ En revanche, la deuxième, $8-(3-2)$, indique que « on a à enlever (soustraire) de huit la différence de trois et deux ».
     
    Il en va de même pour une « succession de divisions » ; en effet, l’expression $20 \div 5 \div 2$ est synonyme de $(20 \div 5) \div 2$, en observant le critère « de la gauche vers la droite ». La division n’est pas une opération associative et $(20 \div 5) \div 2$ ne résulte pas à la même valeur que $20 \div (5 \div 2)$
     
    Du point de vue grammatical, il est conseillé de faire (dans un premier temps) une ponctuation dans les expressions qui décrivent une succession d’une opération non associative ; ensuite, faire une analyse si cette ponctuation est impérative ou non (dû à une définition du critère « de la gauche vers la droite »). En effet, toutes les opérations, en dehors des opérations arithmétiques élémentaires, n’obéissent pas au critère « l’ordre dans lequel elles apparaissent, de la gauche vers la droite ».
     
  6. $(8 \times 2) - (15 \div 3)$
    Cette expression décrit clairement une différence dont le premier terme est identifié par le « produit de huit par deux » et le second, le « quotient de quinze par trois ». Dans ce cas, en observant la priorité de la multiplication et de la division sur la soustraction, on remarque que les ponctuations (qui explicitent les termes de la soustraction) ne sont pas impératives ; cette expression est donc synonyme de $8 \times 2 - 15 \div 3$
     
  7. $(8 \times 2) - (15 + 3)$
    Là, en revanche, le deuxième terme de la différence est une somme. Ainsi, comme dans l’item précédent, la ponctuation qui explicite le premier terme n’est pas impératif ; cette expression est donc synonyme de $8 \times 2 - (15 + 3)$ Par contre, il faut garder celle du second terme, à cause du critère « de la gauche vers la droite » (car sinon, $(8 \times 2) - 15 + 3$ signifierait « la somme de la différence du produit de huit par deux, et quinze, et trois »).
     
  8. $(8 - 2) \times (15 \div 3)$
    Cette expression décrit un produit dont le premier facteur est identifié par la « différence de huit et deux » et le second, le « quotient de quinze par trois ».
     
    On remarque qu’il faut garder la ponctuation qui explicite le premier facteur de la multiplication, dû à la priorité de la multiplication sur la soustraction car sinon, $8 - 2 \times (15 \div 3)$ signifierait « la différence de huit et du produit de deux par le quotient de quinze par trois ».
     
    De même, il faut garder la ponctuation qui explicite le deuxième facteur, dû au critère « de la gauche vers la droite » car sinon, $(8 - 2) \times 15 \div 3$ signifierait « le quotient du produit de la différence de huit deux par quinze, par trois ».
     
  9. $((9 - 2) \times 8) \div 4 + 5$
    Lorsque l’on a deux niveaux de parenthésage, les consignes sont encore plus « étonnantes » ; c’est-à-dire qu’on nous dit « il faut d’abord calculer ce qui est dans les parenthèses les plus internes ».
     
    Voici les raisons de cet « ordre étonnant » :
     
    Dans cette expression, on a deux opérations explicites : une division (par quatre) et une addition (avec cinq). D’après la priorité de la division sur l’addition, l’expression représente une « somme d’un quotient et cinq ». En analysant le quotient, on observe que le premier terme (le dividende) représente un « produit de la différence de neuf et deux par huit », tandis que le deuxième (le diviseur) vaut quatre.
     
    Par conséquent, l’expression dans son ensemble signifie « la somme du quotient du produit de la différence de neuf et deux par huit, par quatre, et cinq ».
     
    Quelques manuels scolaires utilisent des crochets et des accolades pour remplacer des parenthèses externes ; dans ce cas « il faut d’abord calculer ce qui est dans les parenthèses, suivi de ce qui est dans les crochets et finalement par ce qui est dans les accolades ».

En résumé, la mémorisation des critères (tels le PEMDAS et le « de la gauche vers la droite »), sans aucune explication ou raison, est parfois incompréhensible et il est difficile de croire qu’il faut les suivre.

 

Des expressions clarifiées

Le cœur du problème se trouve dans le fait que les opérations arithmétiques élémentaires sont binaires. Ainsi, en principe, il faudrait toujours expliciter chacun des deux termes d’une telle opération. Cependant, pour exprimer une situation problème dans le langage mathématique, il faudrait poser plusieurs ponctuations pour expliciter les deux opérandes de chaque opération.

Ces critères permettent donc de décrire des expressions plus claires et sans bruit, comme l’illustre l’exemple ci-après.

Claire a $50,00$ € et elle pense à acheter trois livres à $5,20$ € chacun, deux cahiers de dessin à $3,50$ € chacun et un CD à $19,80$ €. Combien lui restera-t-elle après ces achats ?

La valeur qui va lui rester correspond à la différence entre la valeur quelle possède et celle qu’elle va consommer. Elle va dépenser en tout la valeur des trois livres en plus de celle des deux cahiers, en plus de celle du CD. Ainsi, le problème de Claire est décrit, en langage mathématique (et en tenant compte simplement que les opérations sont binaires), par :

$50,00 - (((3 \times 5,20) + (2 \times 3,50)) + 19,80)$

La priorité da la multiplication sur l’addition permet de supprimer deux paires de parenthèses (les « plus internes ») ; c’est-à-dire que l’expression ci-dessus est synonyme de :

$50,00 - ((3 \times 5,20 + 2 \times 3,50) + 19,80$

De plus, la propriété associativité de l’addition permet d’écrire deux additions comme une somme successive. Ainsi, cette dernière expression est équivalente à :

$50,00 - (3 \times 5,20 + 2 \times 3,50 + 19,80)$

qui est plus claire que la première.

Pour finir, cette dernière paire de parenthèses ne peux pas être supprimée, car elle explicite la valeur totale de la dépense de Claire (c’est-à-dire ce qu’il faut déduire de la valeur qu’elle possède). Bien évidemment, il faut la calculer avant de la déduire.

 

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Les Chantiers de Pédagogie Mathématique n°185 juin 2020
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS