Une véritable posture de congressiste

L’APMEP, l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, organisait cette année ses Journées Nationales (JN) à Rennes du 21 au 24 octobre 2023. Cet événement a regroupé presque 1 000 congressistes, tous enseignant les mathématiques de la maternelle à l’université.

 
Dans le cadre d’un projet SFRI [1], avec le soutien de la Graduate School Éducation Formation et Enseignement (GS EFE) de l’Université Paris Saclay et des départements de mathématiques de l’Université Paris Saclay (Orsay) et de l’Université d’Évry Val d’Essonne, un groupe de 19 étudiants de Master MEEF [2] 1^re année en mathématiques, de 3 étudiants en DIU [3] en mathématiques ainsi que trois de leurs formateurs ont pu faire partie de ces 1 000 congressistes !

Ce séjour n’aurait pu se concrétiser sans l’aide de la régionale Bretagne de l’APMEP qui a instauré la gratuité des frais d’inscriptions aux JN pour les étudiants.

D’un point de vue universitaire, la participation aux Journées Nationales de l’APMEP s’intègre parfaitement dans le cadre du Master MEEF. Les objectifs pédagogiques et de formation que nous avons retenus en amont étaient les suivants :

1. Permettre aux étudiants de découvrir, en début de 1^re année de master, des thématiques qu’ils pourront réinvestir dans leur mémoire et des pratiques qu’ils pourront réinvestir dans leurs stages de terrain.
2. Découvrir différents aspects de la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques.
3. Découvrir les acteurs liés à la culture mathématique et scientifique.
4. Impulser une dynamique d’échanges et de collaboration entre les étudiants.

Afin de faciliter l’accès pour chaque étudiant à une véritable posture de congressiste plutôt que celle de simple observateur, il nous a semblé plus propice qu’ils s’inscrivent individuellement et choisissent eux-mêmes leurs ateliers et conférences. Les choix effectués ont couvert un panel varié de thématiques, des ateliers purement didactiques, des retours d’expériences d’enseignants dans leurs classes, des présentations de résultats de groupe de recherche d’IREMS ou bien de conférences sur des thèmes d’actualité, notamment une conférence sur la place des femmes dans les mathématiques qui a marqué certains des étudiants (Matheuses : les filles sont l’avenir des maths par Clémence Perronnet).

Quel bilan de ce séjour ?

Afin de récolter les témoignages des étudiants, un questionnaire bilan en ligne a été proposé au groupe sur le trajet retour, parmi les 22 étudiants présents, 21 y ont répondu.

Les réponses à la question « Écrire trois mots qui résument vos Journées Nationales de l’APMEP » donnent le nuage de mots suivant :

La présence de nombreux mots, tels que partage, collaboration, dialogue, fédérateur, rencontre, met l’accent sur le dernier objectif. Un des facteurs de la dynamique d’échange au sein du groupe s’explique aussi par le programme « off » des Journées Nationales. En effet, le groupe a été hébergé à l’Auberge de Jeunesse de Rennes et nous avions organisé le dernier soir un « repas de promo » suivi d’une soirée avec des jeux de société.

Le partage de ces moments collectifs et conviviaux, allant des petits déjeuners communs aux trajets à pied dans Rennes, a impulsé une véritable dynamique d’échanges au fil des journées. Les étudiants des deux universités se sont entraidés notamment lors de séances de révisions organisées par certains d’entre eux pour la préparation de leurs partiels.

La présence des mots tels que découvertes (le plus fréquent), nouveauté, idées, mathématiques, apprentissage, surprise, inspiration, rencontre, met en évidence que les trois premiers objectifs semblent avoir été atteints. Pour analyser un peu plus finement ce premier constat, nous pouvons utiliser quelques extraits de verbatims recensés dans les témoignages d’étudiants.

1. Permettre aux étudiants de découvrir, en début de 1^re année de master, des thématiques qu’ils pourront réinvestir dans leur mémoire et des pratiques qu’ils pourront réinvestir dans leurs stages de terrain.

   « J’ai découvert de nouveaux outils et de nouvelles pratiques très innovants, que je vais tester avec les élèves. »
   « Pouvoir discuter avec des collègues du 1^er et 2^nd degré donne une image élargie du métier. Les ateliers animés par des pairs sont complets et marqués par leur expérience et celles rajoutées par les autres professeurs présents. »
   « Grâce aux ateliers il y a plusieurs dispositifs, activités, ou même séances desquels je vais pouvoir essayer de m’inspirer. »
   « La présentation des différentes méthodes d’enseignement d’un même savoir et d’adaptation aux besoins de tous types d’élèves m’a permis d’approfondir ma problématique de mémoire et de m’indiquer des directions à suivre pour y répondre. »
   « Mon mémoire porte globalement sur les différences filles/garçons à l’école. J’ai participé à plusieurs ateliers et conférence sur ce sujet. Je vais donc essayer de placer des éléments que j’ai appris durant les ateliers dans mon mémoire. »

2. Découvrir différents aspects de la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques.

   « Je pourrais réinvestir les techniques d’enseignement liées à la manipulation d’objets. »
   « Les ateliers et les conférences ont permis de répondre à certains questionnements ou de les orienter dans une nouvelle direction. Ils m’ont aussi permis de découvrir les différentes facettes de l’enseignement en mathématiques. »
   « J’ai découvert des manières d’aborder les différentes notions de cours, des méthodes d’enseignement et de pédagogie, des outils pour développer la motivation et l’intérêt des élèves. »

3. Découvrir les acteurs liés à la culture mathématique et scientifique.

   « Ces journées m’ont permis de développer une culture mathématique, développer ma réflexion professionnelle, ouvrir de nouvelles perspectives. »
   « Cela m’a permis de récolter des noms de ressources à exploiter dans mes enseignements, des idées d’activités à réaliser avec mes élèves, des idées de sorties scolaires à faire avec mes élèves dans les prochaines années. »
   « Un des ateliers m’a donné une approche différente des mathématiques (en dehors du cadre purement scolaire). »
   « Cela m’a permis d’avoir une prise de conscience de l’existence d’une aussi grande communauté de professeurs de mathématiques vivante et passionnée par le fait de transmettre leurs savoirs. »

4. Impulser une dynamique d’échanges et de collaboration entre les étudiants.

   « Nous nous sommes rapprochés avec nos camarades et les ateliers m’ont permis d’enrichir ma culture professionnelle. »
   « Ce séjour m’a permis d’apprendre à connaître un peu mieux mes camarades d’Orsay, faire connaissance avec celles et ceux d’Évry et écouter ainsi qu’échanger avec des enseignants. »
   « Le séjour à Rennes a permis d’améliorer la cohésion de groupe, ainsi que de partager plus avec les autres étudiants du Master d’Évry que l’on voit rarement. De plus, d’échanger avec des enseignants, de nos Masters ou non, dans un cadre un peu moins formel. »
   « Ce séjour à Rennes m’a inspiré dans mes projets, m’a permis de communiquer avec mes collègues, de mieux les connaître. »

Quels réinvestissements de ce séjour dans les enseignements à l’Université ?

Afin de permettre un réinvestissement dans les différents enseignements du Master MEEF, il a été demandé à chaque étudiant d’Orsay de rédiger un compte-rendu d’une à deux pages d’un atelier ou d’une conférence qu’il a suivi. Ces travaux seront mis à disposition de l’ensemble des étudiants ainsi qu’aux différents intervenants du master MEEF pour qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, les réinvestir dans le cadre de leur enseignement. Le canevas suivant a été proposé aux étudiants :

• Titre, descriptif de l’atelier et intervenants (noms, fonctions).
• Thématique, classes et domaines concernés ?
• Descriptif de l’atelier
• Pourquoi avez-vous choisi de rendre compte de cet atelier ?
• La problématique ou les questions posées
• Ce que vous avez appris, ce que vous pensez exploitable dans votre futur pratique
• Ce qui vous questionne, ce que vous n’avez pas compris, ce que vous souhaitez approfondir
• Un lien avec votre stage, votre mémoire ?
• Bibliographie

Les étudiants d’Évry, quant à eux, réinvestissent ce séjour dans le cadre de l’enseignement « Oser créer expérimenter 1 ». Il leur a été demandé de présenter un oral avec les consignes suivantes :

Vous présenterez un atelier ou une conférence que vous avez suivi lors des Journées de l’APMEP.

Vous êtes libre d’organiser le contenu comme vous le souhaitez mais vous devez obligatoirement faire apparaître :

• un petit résumé de l’atelier ou la conférence ;
• ce que cela vous a apporté en tant que futur enseignant ;
• une ressource à partager avec les autres étudiants.

La présentation durera 15 minutes avec 5 à 7 minutes de présentation et le reste du temps consacré aux questions.

Quel impact à plus long terme ?

La dernière partie du questionnaire proposé aux étudiants concernait plus particulièrement l’APMEP :

• À la question « Envisagez-vous d’adhérer à l’APMEP ? » :
  33,3 % répondent oui, 19 % répondent non et 47,6 % répondent « je ne sais pas ».
• À la question « Envisagez-vous de participer aux Journées Nationales de l’APMEP au Havre en octobre 2024 ? » :
  52,4 % répondent oui, 14,3 % répondent non et 33,3 % répondent « je ne sais pas ».

Certains étudiants ont souhaité aller plus loin dans la découverte des Journées Nationales. Plusieurs d’entre eux ont participé à des événements qui sortaient du simple cadre des ateliers et des conférences : la séance « questions d’actualités » avec la présence d’un Inspecteur Général, l’Assemblée Générale de l’APMEP ou encore une rencontre avec l’équipe de rédaction de la revue « Au Fil des Maths » de l’APMEP. Les retours ont à chaque fois été positifs et ont amené les étudiants à se questionner sur leur vision de l’enseignement des mathématiques en France.

In fine, ce séjour semble tout d’abord avoir des impacts à court terme se matérialisant dans une meilleure cohésion du groupe durant ces trois journées non seulement au sein des groupes propres à chacune des universités représentées mais aussi dans le cadre d’un rapprochement entre les deux sites.

Par ailleurs, l’impact est aussi à moyen terme, sur les deux années du Master, les étudiants font le lien avec leur stage en établissement scolaire et réussissent, pour certains, à trouver des pistes de réinvestissement dans leur travail sur le mémoire. Pour finir, les impacts semblent aussi être à long terme. En effet, une grande partie des étudiants projettent de renouveler leur participation à ce type de congrès.

L’un des témoignages d’un étudiant résume en quelques mots ce séjour : « c’est toujours un phénomène agréable que de voir plusieurs personnes ayant une même passion, un même travail, se réunir dans un même endroit ! ».