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Édito
Article mis en ligne le 23 juin 2014
dernière modification le 11 août 2023

par Claudie Missenard

Le temps des journalistes et celui des autres

Mercredi 30 avril, 11 h 07, une journaliste, responsable des questions d’enseignement d’une grande chaine nationale, envoie un mail à l’APMEP Ile-de-France. En voici la teneur :

je suis journaliste spécialisée éducation enseignement à… Je prépare ce soir un reportage pour le 19/20 de… sur la pénurie de profs de maths, j’aurais souhaité pouvoir vous interviewer ce matin ou en début d’après midi, seriez-vous disponible ? Merci de me rappeler dès que possible au 06…

Quand notre présidente prend connaissance de ce mail, en sortant de cours (ben oui, un prof, ça arrive qu’il fasse cours), il est trop tard pour « ce matin ». Et manque de chance, elle est largement occupée ensuite, dès 13 h 30, par la tenue du jury du concours de la Régionale. Raté aussi pour « en début d’après-midi ». Et chose étrange, aucun des autres membres du Comité de la Régionale ne semble d’accord pour prendre le relais.

Cette anecdote donne matière à réflexion.

Passons sur le côté cavalier de la chose, sur cette impression désagréable qu’il y a un être supérieur (le journaliste) qui décide du temps de l’autre (l’heureux impétrant qui aura la chance d’être interviouvé). Ravalons notre rancœur envers cette presse qui sait nous trouver quand elle a besoin de nous mais qui répond rarement présent quand nous avons besoin d’elle. Et regardons un peu plus au fond.

Pourquoi ce branle-bas de combat ? Parce que les résultats au CAPES viennent de tomber, que le jury n’a pas jugé possible de pourvoir tous les postes, et que soudain un projecteur s’allume sur la question de la pénurie d’enseignants (de maths en particulier). Bien sûr, le sujet est sérieux. Bien sûr qu’il mérite d’être traité. Mais traité pour ce qu’il est, une question de fond, qui mérite une réflexion approfondie. Qui ne réclame pas un traitement d’urgence : le problème est perçu depuis des années par les associations de spécialistes, dont la nôtre, qui sonnent l’alarme depuis bien longtemps.

Pris dans la course au « sujet », les médias semblent ne plus distinguer le sujet de fond du sujet d’actualité. Le radio trottoir à chaud sur l’événement ponctuel (il avait l’air si gentil, le voisin qui vient d’assassiner père et mère, dame on aurait jamais dit !) serait-il applicable dans un cas comme ça ?

Et nous voilà pris en tenailles.

Ne pas répondre à la demande, c’est une fois de plus montrer que nous avons bien peu de culture en matière de communication, que nous ne savons pas faire entendre notre point de vue, ou pire, donner à penser que nous n’avons tout bonnement rien à dire, Ne pas répondre, c’est aussi courir le risque que s’exprime à notre place n’importe quel quidam ne connaissant rien de la question.

Mais y répondre, c’est se rendre complice de cette immédiateté dénuée de sens, de cette pseudo-information qui ne véhicule aucune information et qui transforme une question sérieuse en sujet d’une demi-minute, aussitôt présenté aussitôt oublié.

Ici, nous avons fait le choix de ne pas répondre. Pourtant, nous en avions des choses à dire ! Sur les causes de cette désaffection, et, plus grave encore, sur ses conséquences prévisibles, voire déjà visibles. Mais en gens raisonnables, il nous fallait le temps d’organiser notre pensée, de préparer notre message : on ne traite pas valablement de choses aussi importantes dans de tels délais.

Mais voici soudain que dans mon indécrottable naïveté, je me prends à rêver qu’un journaliste tombant sur ces lignes aura envie VRAIMENT de prendre le temps de traiter le sujet. Et alors là, soyez-en sûrs, les membres de l’APMEP répondront présents.


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Les chantiers de pédagogie mathématique n°161 juin 2014
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS