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Des élèves face à une tâche complexe
une approche par le principe d’une « Lesson study »
Article mis en ligne le 13 janvier 2025
dernière modification le 12 janvier 2025

par Mamadou Ndong

Le laboratoire de Sarcelles

Le laboratoire de Sarcelles a été créé dans le cadre de la mesure 16 du rapport Villani-Torossian (Torossian & Villani, 2018). Il a été mis en place au mois de mai 2019 à la suite de plusieurs réunions regroupant des inspecteurs IA-IPR et IEE, des chefs d’établissement et des enseignants du premier et second degrés.

Son établissement d’accueil est le collège Évariste Galois de Sarcelles.

figure 1
Établissements impliqués dans le LaboMath de Sarcelles.
R.= Réseau ; L.= Lycée ; JJR = Jean Jacques Rousseau

Le laboratoire polarise les six collèges de Sarcelles, tous classés REP ou REP+ et les deux lycées du bassin de Sarcelles. Des enseignants du collège Martin Luther King de Villiers-Le-Bel participent aussi aux activités du Laboratoire.

La figure 1 ci-contre illustre les différents établissements dont des enseignants sont impliqués dans le laboratoire.

Actuellement, l’équipe du laboratoire est constituée d’une vingtaine de professeurs qui exercent dans les collèges ou lycées de Sarcelles.

Le laboratoire est un lieu où les professeurs de mathématiques se rencontrent pour échanger sur l’enseignement des mathématiques et pour se former sur leurs pratiques enseignantes. C’est aussi un lieu de production et de mutualisation de ressources pédagogiques et didactiques. Nous disposons d’un espace collaboratif nommé « Laboratoire Sarcelles » sur la plateforme TRIBU. Cet espace nous permet de mutualiser toutes les ressources que nous produisons.

 

Introduction

Pour l’année 2023/2024, dans l’objectif de développer davantage leurs pratiques enseignantes, les professeurs impliqués dans le laboratoire ont travaillé sur l’expérimentation d’une « lesson study ». La motivation de ce projet est liée à la difficulté de nos élèves à résoudre une tâche complexe en mathématiques ou un problème à prise d’initiative. Dans cette production de fin d’année, nous présentons les différentes étapes du projet.

Le document est subdivisé en quatre grandes parties. D’abord, dans la section III, nous nous focalisons sur la littérature scientifique et sur des travaux de recherche permettant de mieux comprendre les objectifs et les principes d’une « lesson study ».

Ensuite, dans la section IV, nous présentons la tâche mathématique choisie pour notre « lesson study » ainsi que son analyse a priori. Les retours d’expérience des expérimentations en classe et l’analyse a priori sont présentés dans la section V.

Enfin, le bilan et les perspectives pour l’année prochaine sont décrits en section VI.

 

« Lesson study » : le principe

Dans cette étude, les travaux de Blandine Masselin (2020 ; Masseli & Hartmann, 2020), chercheuse à l’IREM de Rouen et spécialiste des « Lessons studies » ont été nos principales références.

D’après la littérature scientifique, l’idée est née au Japon dans les années 1980 puis elle s’est développée aux États-Unis et ensuite en Europe. La traduction littérale de l’expression « Lesson study » est « Étude de Leçon ».

Le principe et le déroulé sont les suivants (Shimizu, 2014) :

  • Un collectif d’enseignants se réunit autour d’une ressource mathématique qu’il résout.
  • Il prépare ensuite une séance de classe dans le but de la mettre en œuvre. Le collectif discute des choix effectués, de leurs effets sur l’enseignement.
  • Un enseignant volontaire joue le rôle d’enseignant-expérimentateur et met en œuvre le projet collectif dans une classe mise à disposition pour l’occasion.
  • Après la séance, le collectif se retrouve pour une analyse critique de la leçon et réfléchit à des alternatives a posteriori.

La boucle recommence. Le collectif est au service du développement professionnel (Clivaz, 2015). La figure 2 est un schéma proposé par Lewis et Hurd pour décrire le processus de la boucle d’une « Lesson study » (Lewis & Hurd, 2011).

figure 2
le processus de « Lesson Study »
d’après Lewis & Hurd, 2011

C’est dans le cadre scientifique que nous nous sommes placés pour préparer et mettre en œuvre la Lesson study dont nous présentons ci-dessous les différentes étapes.

 

Tâche mathématique et analyse a priori

Choix de la tâche

Pour choisir la tâche mathématique, nous avons d’abord échangé sur les difficultés de nos élèves, notamment en géométrie ou sur la compréhension des consignes mais aussi sur la résolution de problèmes. Les dernières évaluations nationales du niveau 6e et les évaluations de compréhension de langage mathématique du niveau 4e dans notre bassin ont montré beaucoup de fragilités de nos élèves sur la compréhension d’une consigne.

Ces difficultés ont motivé le choix porté sur le problème ci-dessous qui fait partie des tâches complexes proposées sur le site de l’académie de Reims. À noter que nous avons légèrement modifié l’énoncé par rapport à sa version initiale.

 
Le canapé lit
Achat de tissu au m²

Olivier, un étudiant, habite un petit studio. Son lit, d’une personne, est placé, dans le sens de la longueur, contre un mur.

Pour se servir, dans la journée, de ce lit comme canapé, Olivier a fabriqué un dossier en mousse. Il veut maintenant recouvrir chaque face de ce dossier avec un tissu.

Il choisit pour cela une étoffe vendue au prix de 8,90 € le m². Il lui faut penser aux pertes pouvant intervenir lors de la couture et donc prévoir d’acheter 10 % de tissus supplémentaire.

Voici la forme et les dimensions du dossier :

Quel budget doit-il prévoir pour l’achat du tissu ?

 

Analyse a priori de la tâche

Pour analyser la tâche, nous avons d’abord utilisé une grille d’analyse proposée par Blandine Basselin. Cette grille d’analyse s’articule autour de six points :

  1. Les connaissances mises en jeu.
  2. La dimension de la tâche dans la vie quotidienne.
  3. Sa place dans la progression.
  4. La dimension TICE.
  5. Les procédures possibles des élèves.
  6. Les difficultés et erreurs possibles.

Ce problème pourrait être une bonne tâche de modélisation dont sa résolution se ferait en suivant le schéma du cycle de Blum (Blum & Leiss, 2007). En effet, il y a une situation initiale qui relève du monde réel et pour laquelle il faut définir un modèle mathématique. Une fois le modèle mathématique choisi, il faut faire le traitement mathématique puis analyser les résultats et enfin retourner dans le monde réel pour validation. La figure 3 présente le processus de modélisation décrit par Blum.

figure 3
cycle de modélisation
selon Blum & Leiss (2007)

Toutefois, dans la formulation de l’énoncé, l’élève est déchargé de l’élaboration du modèle réel et du modèle mathématique. Seul le traitement mathématique est à sa charge. L’analyse a priori sera donc restreinte au traitement mathématique que l’élève doit effectuer.

Le tableau ci-dessous résume cette analyse.

Connaissances mathématiques
en jeu
  • Découpage d’une figure complexe en figures usuelles.
  • Conversions (longueurs et/ou aires), arrondir un nombre.
  • Formule d’aire : rectangle, triangle et/ou trapèze.
  • Théorème de Pythagore.
  • Calcul d’aire de figures composées de rectangle et de triangles et/ou calcul d’aire du trapèze.
  • Calcul de l’aire d’un prisme droit constitué de quatre faces rectangulaires et de deux bases trapézoïdales.
  • Proportionnalité
Place dans la progression
  • 4e (ou 3e), le théorème de Pythagore doit être une connaissance mobilisable ou disponible.
Dimension vie quotidienne
  • Modélisation d’un objet de la vie quotidienne.
  • Établir un budget.
  • Aménager son appartement.
Dimension TICE
  • Faire le patron sur Geogebra pour calculer l’aire.
Démarches possibles des élèves
  • Repérer les différentes faces.
  • Représenter le patron ou les faces une à une dans le plan pour les identifier.
  • Calculer séparément l’aire de chaque face.
  • Aire du trapèze : connaissance de la formule.
  • Aire du trapèze : aire d’un rectangle + aire d’un triangle rectangle — Faire la somme pour obtenir l’aire totale — Passage à la conversion.
  • Calcul du prix.
  • Prise en compte des 10 %.
Difficultés et erreurs possibles
  • Problème de conversion.
  • Difficultés à distinguer aire et volume.
  • Mauvaise interprétation de la forme : problème de visualisation
    dans l’espace.
  • Calcul d’aire du trapèze.
  • Oubli ou difficulté à prendre en compte les 10 %.
  • Oubli de revenir au prix.
  • Trouver un triangle rectangle pour appliquer le théorème de Pythagore.
  • Problème de raisonnement.

 

Scénario de la leçon et grilles d’évaluation

Les premières expérimentations ont été réalisées sur des séances de 55 minutes. Ce temps s’est avéré insuffisant pour permettre aux élèves de chercher et de fournir à la fois une trace écrite de bonne qualité.

L’expérimentation finale, qui a été réalisée sur un créneau de 2 h avec une pause de 15 min, a montré beaucoup de points positifs tant sur le travail des élèves que sur les interventions de professeur expérimentateur.

Nous proposons ci-dessous un scénario du déroulé de leçon. À noter que les durées des différentes phases sont subjectives car elles dépendent du niveau des élèves et de la durée totale qui sera réservée à la séance.

Tout enseignant qui souhaiterait tester cette production est donc invité à adapter les durées des différentes phases ci-dessous en fonction du profil de ses élèves et du temps réservé à sa séance.

  • Phase 1
    Le professeur introduit sa séance : d’abord, il explique aux élèves la raison de la présence de ses collègues observateurs. Il donne les objectifs de la séance : résolution d’une tâche mathématique complexe en mobilisant des connaissances anciennes ou actuelles. À la fin de la séance, chaque groupe doit rendre une trace écrite de son travail.
    Travail noté ou pas : la décision est laissée au professeur expérimentateur.
  • Phase 2
    le professeur distribue le sujet et donne les consignes de la première étape de travail : lecture en individuel, premières recherches sans poser de questions.
    Préciser le temps réservé à cette phase de travail (2 min).
  • Phase 3 ( 4 minutes) prof/élèves
    Relecture de la consigne avec la classe, échanges avec les élèves pour sonder leur compréhension, répondre aux questions liées à la compréhension de la consigne. En cas de question, l’enseignant peut demander à d’autres élèves d’y répondre.
    Étape de transition, l’enseignant lance les élèves pour la recherche en groupe. Il leur précise le temps réservé à cette phase de travail (40 min)
  • Phase 4 ( 40 minutes) prof/élèves
    Recherche en groupe avec le professeur qui se déplace dans les groupes avec la possibilité de faire des petites mises en commun si nécessaire. Pendant cette phase de travail en groupe, le professeur se déplace dans les groupes. Il observe, il peut demander aux élèves de verbaliser leurs démarches. Il peut aussi proposer de l’aide aux groupes qui sont en difficulté.
  • Phase 5 ( 15 minutes) pause
    Les élèves quittent la salle pour une pause de 15 minutes en laissant leurs brouillons et leurs traces de recherche. Le professeur expérimentateur et ses collègues observateurs en profitent pour faire un bilan rapide. Ils peuvent scanner ou prendre en photos les brouillons des élèves pour le bilan final et l’analyse a priori.
  • Phase 6 ( 2 minutes) prof/élèves
    Retour des élèves, le professeur leur demande de finaliser leurs recherches et de rédiger au propre une trace écrite par groupe.
  • Phase 7 ( 25 minutes) élèves
    Chaque groupe travaille sur sa production.
  • Phase 8 ( 10 minutes) prof
    Ramasser les productions et bilan de la séance.

Pendant la séance, les observateurs disposent de deux grilles (voir annexe A) pour évaluer le travail des élèves et les interventions de l’enseignant.

 

Expérimentation

Contexte de l’expérimentation

En général, dans le principe des « Lessons studies », l’expérimentateur n’est pas forcément le professeur de la classe. Cependant, dans ce projet, pour des raisons pratiques, l’enseignant expérimentateur est lui-même le professeur de mathématiques de la classe avec laquelle l’expérimentation a été réalisée.

Les expérimentations ont été réalisées dans des classes dont les effectifs varient entre 22 et 25 élèves. La majorité de ces élèves sont en difficulté en mathématiques.

L’expérimentation était initialement sur les trois niveaux du cycle 4. Cependant des contraintes liées à un agenda de fin d’année chargé n’ont pas permis de l’expérimenter avec des élèves de 4e. L’activité a d’abord été testée avec des élèves de 5e du collège Voltaire, un établissement classé REP [1] puis avec des élèves de 3e des collèges Chantereine et Évariste Galois, des établissements classés respectivement REP+ et REP.

La résolution de ce problème nécessite à un moment donné l’application du théorème de Pythagore. Or, selon le programme national, ce théorème est une connaissance non encore disponible pour des élèves de 5e. On pourrait alors se demander ce qui justifierait ce choix pédagogique.

L’objectif d’une telle expérimentation en classe de 5e est de tester l’espace cognitif des élèves, c’est-à-dire les outils mathématiques que des élèves 5e pourraient mobiliser pour essayer de résoudre le problème.

Ces premières expérimentations internes ont permis d’améliorer le scénario de mise en œuvre. Enfin, une expérimentation finale sur une durée de 2 h a été réalisée avec des élèves de 3e du collège Victor Hugo, un établissement classé REP.

 

Organisation

Avant la séance, le professeur expérimentateur constitue des groupes de travail de 4 ou 5 élèves par groupe. Il peut choisir de faire des groupes hétérogènes ou des groupes par niveau.

Dans le cas de nos expérimentations, des groupes hétérogènes ont été choisis en 3e et des groupes de niveau en 5e. Il n’est pas nécessaire d’anticiper en activant des connaissances anciennes car l’objectif de la tâche est d’analyser la capacité des élèves à mobiliser des connaissances disponibles pour résoudre un problème mathématique.

Documents et aides à prévoir

  • L’énoncé de la tâche mathématique à un nombre d’exemplaires suffisant.
  • Les grilles d’évaluation qui sont en annexe A.
  • Le déroulé de la séance pour guide.

Il est également conseillé de préparer des aides pouvant faciliter les interventions de l’enseignant :

  • Un fichier Geogebra qui permet de visualiser la forme en perspective et le patron du solide qui modélise la forme du canapé.
  • Un imprimé du patron du solide, voir la figure 4.
  • Un imprimé d’un trapèze rectangle décomposé en deux figures, un rectangle et un triangle rectangle, voir la figure 5.
  • Des feuilles de brouillon en quantité suffisante.
figure 4
patron du Prisme
figure 5
trapèze décomposé

 

Expérimentation et analyse a posteriori

Nous retraçons ci-dessous le retour de l’une des premières expérimentations de la leçon qui ont été réalisées avec une classe de 3e lors d’une séance de 55 minutes. L’enseignant a essayé au mieux de respecter le scénario. En fonction des difficultés rencontrées par ses élèves, il a effectué des choix qui lui semblaient nécessaires.

Par exemple, dès la phase 3 qui prévoit une relecture de la consigne avec la classe, il n’y a pas eu de questions ni sur la compréhension ni sur le vocabulaire. Cette absence de réaction lui fait douter de la bonne compréhension de ses élèves. Il décide alors de les questionner :

  • Enseignant : Avez-vous compris ce qu’il faut faire ?
  • Élève : Oui, calculer le prix d’achat du tissu.
  • Enseignant : Quelle information importante devez-vous connaître pour pouvoir calculer le prix d’achat du tissu ?
  • Élève : Tout le polygone.

L’enseignant constate que les élèves ne savent pas nommer le solide en question et qu’il y a une confusion entre les figures planes et les solides. Une parenthèse s’ouvre sur la définition d’un polygone. Lors de cet échange sur les polygones, pour anticiper sur le trapèze, l’enseignant demande aux élèves de nommer les quadrilatères usuels qu’ils connaissaient. Les élèves lui ont cité le rectangle, le carré et le losange. Le parallélogramme et le trapèze ne sont pas mentionnés.

Après cette parenthèse qui a permis de poser un nom sur le solide et sur la définition d’un trapèze, l’enseignant relance les élèves avec la question suivante :

  • Enseignant : Quelle information importante devez-vous connaître sur le prisme pour pouvoir calculer le prix d’achat du tissu ?
  • Élève : les mètres carrés.
  • Enseignant : Le mètre carré n’est pas une grandeur mais une unité de mesure. Quelle est la grandeur dont la mesure peut-être exprimée en mètre carré ?
  • Élève : L’aire.
  • Enseignant : Je vous laisse continuer le travail en groupe. Vous avez 25 minutes pour me le faire. Chaque groupe doit me rendre une trace écrite qui sera évaluée.

 

Analyse a posteriori

Sans anticipation et sans activation d’un certain nombre de connaissances, l’activité ne semble pas être faisable en 1 h avec des élèves dont le niveau en mathématiques est fragile. La compréhension de la structure du solide et le calcul de l’aire du trapèze demandent beaucoup de temps aux élèves.

À la fin de la séance, les groupes qui ont le plus progressé n’étaient qu’au niveau du calcul de l’aire des trois faces rectangulaires dont les dimensions (longueur et largeur) sont données explicitement dans l’énoncé.

Concernant le calcul de l’aire de la quatrième face rectangulaire qui nécessite la reconnaissance et l’application du théorème de Pythagore pour déterminer sa largeur, seul un groupe avait commencé la recherche. Aucun groupe n’avait abordé le calcul de l’aire du trapèze. Les élèves ont rencontré plusieurs obstacles de nature diverse.

Sur le travail mathématique, les observateurs ont noté et analysé plusieurs difficultés :

  • Reconnaître et nommer un solide usuel : confusion de noms de figures planes et de solides représentés en perspective.
  • Représenter mentalement le solide de la tâche, reconnaître et nommer un trapèze rectangle, reconnaître le trapèze comme une figure composée.
  • Organiser un travail mathématique : reconnaître les différentes étapes pour résoudre un problème.
  • Convertir des centimètres en mètres pour certains élèves.
  • Mobiliser des connaissances anciennes : appliquer le théorème de Pythagore pour calculer une longueur.

Ces remarques ont permis d’améliorer considérablement les expérimentations qui ont suivi notamment celle qui a été réalisée en classe de 3e avec un créneau de 2 h.

 

Analyse de productions

Classe de 5e

L’expérimentation a été réalisée après la séquence sur les patrons des solides usuels et le calcul d’aires. Les élèves ont beaucoup cherché mais ont rencontré des difficultés dans la narration.

D’après la production montrée en figure 5, l’objectif de la tâche et le modèle mathématique sont compris par le groupe.

figure 6
production d’un groupe de 5e

On note une gestion cohérente des unités. La formule de calcul de l’aire du trapèze a été donnée par le professeur mais on note l’absence d’un facteur $\frac{1}{2}$ dans la production du groupe. Aucune trace ne montre la stratégie utilisée pour trouver la longueur associée au quatrième côté du trapèze. La valeur 52 semble provenir du raisonnement ci-dessous décrit par l’enseignant observateur du groupe :

  • supposition d’une figure à l’échelle,
  • usage d’un instrument de mesure pour mesurer le côté inconnu et un autre qui est donné,
  • application de la proportionnalité pour trouver celui qui est inconnu.

Les 10 % sont partiellement appliqués. Ils ne sont appliqués que sur l’aire des deux faces trapézoïdales.

Classe de 3e

Les productions que nous présentons ici sont celles issues de l’expérimentation finale réalisée avec une classe de 3e du collège Victor Hugo. La figure 7 est la copie du brouillon d’un groupe de travail. Elle représente leurs premières traces de recherche.

figure 7
premières traces de recherche d’un groupe de 3e

Comme on peut le remarquer, ce groupe se sert d’un code couleur pour organiser son travail. Le groupe a compris la tâche ainsi que les étapes de calcul à effectuer. Le rectangle est décomposé en deux figures planes : un rectangle et un triangle rectangle. La valeur 58,8 notée sur la figure de gauche montre que le théorème de Pythagore a été appliqué pour trouver l’hypoténuse du triangle rectangle. Cependant, les mesures des dimensions sont utilisées sans tenir compte des unités ; donc leurs premiers résultats montrés dans la partie droite de la figure 7 sont erronés.

L’enseignant observateur du groupe a décrit la situation comme suit : « Les élèves ont pris en compte la dimension de la vie quotidienne. Ils s’interrogent sur la cohérence entre le prix final trouvé et la réalité de la vie quotidienne. Ils interpellent le professeur. Ce dernier invalide leur résultat final et leur demande de revoir les unités de mesure. »

Les figures 8 et 9 correspondent à la production finale d’un groupe qui a plutôt réussi la tâche.

figure 8
production finale d’un groupe de 3e

La partie droite de la figure 8 est une décomposition du solide en plusieurs figures planes. Dans la partie gauche le groupe mobilise la dimension discursive pour essayer d’expliquer sa démarche.

Malgré un vocabulaire qui n’est pas toujours adapté, on note des efforts dans l’explication de la démarche ; les élèves ont choisi de nommer les différents sommets.

figure 9
production finale d’un groupe de 3e (suite)

La partie gauche de la figure 9 montre que le théorème de Pythagore est mobilisé mais des fautes apparaissent : les carrés sont oubliés dans la première égalité. Les élèves n’ont pas utilisé la formule de calcul de l’aire d’un trapèze : l’aire de ce dernier est calculée à travers la somme ou la différence de celle d’un rectangle et d’un triangle rectangle. Le pourcentage est correctement appliqué.

On peut trouver en annexe B plusieurs autres productions d’élèves.

 

Bilan et perspectives

Le bilan de la Lesson Study

Sur les trois niveaux étudiés, la tâche semble révéler le degré de solidité des connaissances mathématiques mobilisées ; les élèves ont choisi des outils qu’ils maîtrisaient :

  • Par exemple en 5e, c’est la dimension instrumentale qui a été mobilisée par les élèves pour déterminer la mesure du quatrième côté du trapèze.
  • En 3e le théorème de Pythagore est activé. Cependant, nous avons relevé moins d’erreurs de conversion sur le niveau 5e par rapport au niveau 3e.

Dans nos pratiques habituelles en classe, le temps est toujours une contrainte. Et dans un travail nécessitant la mobilisation de plusieurs connaissances, pour gagner du temps, l’enseignant, sans forcément s’en rendre compte, fait des interventions qui finissent souvent par réduire la tâche à de simples questions isolées. Ce qui ne favorise pas un investissement a minima de certains élèves qui se contentent d’attendre la solution.

Ainsi, l’un des premiers aspects positifs de cette « Lesson Study » est le changement de posture tant du côté des élèves que de l’enseignant :

Du côté des élèves :

  • Chercher et ne pas attendre la solution.
  • Élaborer une stratégie.
  • Verbaliser ses difficultés.
  • Prendre en compte les remarques de l’enseignant pour, si nécessaire, changer de stratégie.

Du côté l’enseignant :

  • Laisser les élèves chercher.
  • Libérer les démarches y compris celles qui n’aboutiront pas.
  • Prendre du recul et observer.
  • Se mettre à disposition et mettre des outils à disposition.
  • Valoriser toutes les stratégies.

Cette expérience a permis à des élèves en difficulté en mathématiques de s’impliquer activement dans la résolution du problème. Elle a également permis à certains élèves d’apprendre que la répartition des tâches dans un travail en groupe pouvait être très efficace et très productive.

L’échange entre collègues, les échanges de pratique, l’auto formation, l’observation conjointe sont également des points positifs qui ont été mentionnés par l’ensemble de l’équipe.

En conclusion, les « Lessons Studies »sont des expériences qui contribuent fortement à l’évolution de nos pratiques enseignantes.

 

Perspectives

Compte tenu des aspects positifs que nous avons tirés du projet annuel du laboratoire, nous envisageons de réinvestir cette pratique des « Lessons Studies » mais cette fois-ci en nous focalisant sur des difficultés bien identifiées chez nos élèves : les fractions et le calcul littéral.

Dans nos perspectives pour l’année prochaine, nous envisageons des préparations de séquences par niveau (activités + une trace écrite). Et pour cela l’équipe souhaiterait être appuyée pour l’achat d’outils qui permettraient aux élèves de passer par la manipulation afin de donner du sens aux objets abstraits. À l’occasion de la sortie au « Salon Culture et Jeux Mathématiques », nous avions identifié des outils qui pourraient satisfaire ce besoin.

À la rentrée prochaine, une estimation d’un budget d’achat sera transmise aux différents chefs d’établissement.

 

Références

 

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Les chantiers de pédagogie mathématique n°203 janvier 2025
La Régionale Île-de-France APMEP, 26 rue Duméril, 75013 PARIS